« L’anarchie profite toujours à quelqu’un, souvent aux grands, jamais aux petits. »
En cinq-cents cinquante pages, Jacques Bainville nous brosse une histoire de France qui va de l’occupation romaine à son entrée dans le XXème siècle. De fait, la tâche est incommode, car il faut choisir ce qu’il y a à raconter, au risque d’être plus long que les siècles. La narration omet donc nécessairement certains domaines au profit d’une histoire politique et diplomatique sérieusement menée.
Les guerres, les luttes, les rivalités, les ressentiments, les partis, l’administration, la lente construction d’un gouvernement, par-delà un Etat stabilisé, les traités et les grandes figures qui les accompagnent sont expliqués sur un ton quasiment décomplexé. Ni pompe ni trop de parti pris n’embrouillent la description de cette réalité déjà complexe. A chaque page, on a l’impression d’écouter un témoin parler d’un individu. Chaque situation est comme humanisée par la tranquille et clairvoyante narration de l’auteur. Ce n’est pas de la passion, c’est de l’amour calme et lucide. A l’égard de la monarchie, qui est le squelette de ce travail, on ne ressent pas la sympathie, mais une profonde considération et sensibilité.
Ce qui est dommage, et inévitable, en revanche, c’est que les arts, les lettres et la religion ne soient pas autant développés que l’histoire politique. Ainsi, on ne se rend compte que d’un seul facteur d’union. Tombe le constat : ce que nous considérons comme notre patrimoine n’est qu’un agglomérat ; les arts, les lettres et la religion susnommés, la monarchie les a associés, par la raison et par la force.
Reste que le facteur politique apparaît bel et bien comme le facteur objectif. C’est-à-dire que la personnalité de chaque province, l’indéniable caractère de chacune n’est qu’entrevu lorsqu’il concerne le pouvoir, il est un arrière-plan. On sait comment le pays a été formé et maintenu, politiquement, mais l’on connaît moins sa diverse cohérence. Ce n’est pas un tort de l’auteur, c’est un choix, une nécessité.
enzo michelis
Jacques Bainville, Histoire de France, éditions Perrin, mars 2014, 576 p. - 11, 00 €.