Entretien avec l’auteure de La sagesse est toujours en retard (http://www.lelitteraire.com/?p=23664)
« Nous sommes intempestifs et insolites » R.Char
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Mon horloge interne, dès que la curiosité l’emporte sur la flemme.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je les tiens en laisse.
À quoi avez-vous renoncé ?
À l’ambition.
D’où venez-vous ?
De moi-même.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Un secret, beaucoup de mots en un seul.
Un petit plaisir – quotidien ou non ?
Laisser le regard divaguer au large, je suis incurablement Atlantique.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres poètes ?
Mais quel orgueil faut-il pour répondre à cette question ? Je n’obéis à rien et j’essaie d’aller bien dans ma peau d’chat !
Comment définiriez-vous votre approche de la sagesse ?
Une suite d’atterrissages.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Depuis la naissance, un tableau vert naufrage ( celui du grand-père dont je porte le nom ).
Et votre première lecture ?
L’Amant de lady Chatterley (D.H. Lawrence ), à l’adolescence, fut mon premier trouble. J’ai détesté tous les contes et la littérature enfantine. Le Petit Prince m’énerve.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Dans ma tête je solfie les concertos de mes années-violon. Me zo ganet er kreiz ar mor (je suis né au milieu de l’océan) du poète groisillon Calloc’h à l’orgue et bombarde fait frissonner mon enfance. “La Jeune Fille et la Mort” (Schubert) me fait pleurer, la Bossa Nova me fait onduler, le duo Piazzola-Mulligan (Años de Soledad, Années de Solitude) poignarde mon passé patagonique…
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Les Essais de Montaigne. Le Commerce de l’art de Michel Seuphor. Journal d’Adam, Journal d’Ève de Mark Twain. Ouvrir au hasard un recueil de poèmes…
Quel film vous fait pleurer ?
Aucun en particulier mais j’ai parfois les tripes nouées.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Je cherche l’absent, le premier homme.
À qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
À personne. Mais j’ai refusé d’écrire à d’autres…
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Le désert d’ Atacama la nuit. L’atomisation du bout du monde Sud.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez les plus proches ?
Je ne veux pas choisir, je les aime un peu, beaucoup, passionnément, parfois pas du tout même si nous puisons tous dans la même gamelle.
Qu’aimeriez-vous pour votre anniversaire ?
Un verre de Carménère Santa Digna et un sourire complice me suffisent.
Que défendez-vous ?
Ma citadelle contre les imbécillités cruelles. Le droit de chacun à être une citadelle imprenable.
Que vous inspire la phrase de Lacan : « L’ Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas » ?
Je ne sais toujours pas à côté de qui je dors, Monsieur Lacan l’extra-lucide, mais l’ Amour, l’Horizon, l’Art tiennent en échec la philosophie.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : « La réponse est oui mais quelle était la question?»
La question tombe souvent comme une guillotine et pourtant c’est dans la réponse que réside le danger.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Cet entretien vous a– t-il mise à nu ?
(L’interviewer ne peut le dire mais les réponses l’ont plongé dans le doute existentiel…)
Entretien réalisé par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 1er août 2018.