Bernard Richard, Les Emblèmes de la République

Un véri­table outil de la Répu­blique et de la pra­tique républicaine

Bernard Richard s’inscrit dans la droite ligne des tra­vaux de Mau­rice Agul­hon (Marianne au com­bat ; Marianne au pou­voir), de Michel Pas­tou­reau (Les Emblèmes de la France), et d’Alain Cor­bin ( Les Cloches de la terre…), qui assure d’ailleurs une pré­face à l’ouvrage. L’intérêt nou­veau de ce livre est de pro­po­ser une dimen­sion concrète, une « his­toire sen­sible », « ter­restre », de la Répu­blique, et les pro­pos de B. Richard sont sou­vent ancrés dans la réflexion appli­quée à des exemples signi­fi­ca­tifs, pris dans le dépar­te­ment de l’Yonne notam­ment. Mais l’intelligence de l’ouvrage est aussi de faire appel, lorsque c’est néces­saire, à des exemples inter­na­tio­naux, notam­ment ceux concer­nant la jeune nation amé­ri­caine. Ayant orienté son tra­vail à par­tir de l’âge d’or et d’invention réelle de la chose publique, sous la IIIe Répu­blique, l’auteur va pro­po­ser une ana­lyse en trois par­ties distinctes.

 La pre­mière, assez brève, offre un réca­pi­tu­la­tif his­to­rique et traite, « sous le signe de la liberté », du bon­net phry­gien, de Marianne, et des devises de la Répu­blique. Elle en vient à trai­ter tout d’abord l’imaginaire fon­da­men­tal de la Répu­blique. La deuxième par­tie s’intéresse aux emblèmes majeurs et aux emblèmes secon­daires, à la manière dont s’est construite puis illus­trée l’imagerie tra­di­tion­nelle de la Répu­blique : le dra­peau tri­co­lore dans ses ava­tars, la Mar­seillaise, le 14 juillet, l’image du Pré­sident de la Répu­blique, celle du coq gau­lois. Les emblèmes secon­daires sont aussi ana­ly­sés : le mono­gramme « RF », le fais­ceau de lic­teur et la « marque gra­phique de l’Etat en France » (on regret­tera l’absence de repré­sen­ta­tion de cette der­nière, ce qui aurait com­plété uti­le­ment le pro­pos et levé tout doute).
Une troi­sième et plus courte par­tie est consa­crée aux monu­ments et espaces répu­bli­cains : après s’être pen­ché sur la répu­bli­ca­ni­sa­tion de l’espace, et les cli­vages qu’elle sus­cite, l’auteur étu­die le Pan­théon, puis les monu­ments aux morts de la Grande guerre à tra­vers divers exemples.

 M ais, au-delà de l’inventaire savant et glosé, ce qui fait l’intérêt de l’ouvrage, c’est qu’il met sans arrêt en confron­ta­tion les concep­tions de la Répu­blique (ou les haines qu’elles sus­cite) à droite comme à gauche, à pro­pos de chaque objet com­menté. Ainsi se trouve des­siné un véri­table par­cours poli­tique des emblèmes natio­naux, et lorsqu’un contre-modèle est inté­res­sant à étu­dier, à men­tion­ner, pour ce qu’il révèle, modi­fie ou cache, l’analyse est pous­sée à son comble. Le recours sys­té­ma­tique aux ori­gines de ces emblèmes per­met d’en fixer une fois pour toutes le choix, la por­tée sym­bo­lique et la péren­nité, assu­rant aussi une volonté iré­nique et péda­go­gique des ins­ti­tu­tions de la Répu­blique (désor­mais paci­fiée) à tra­vers ce qu’elles ont (peut-être) de plus déco­ra­tif, et qui peut nous appa­raître comme d’autant plus futile.

Or il ne faut pas s’y trom­per : ana­lyse savante, cet ouvrage est aussi un véri­table outil de la Répu­blique et de la pra­tique répu­bli­caine, bien plus clair et bien plus fin que tout autre guide de cette ins­ti­tu­tion, et pro­me­nade intel­li­gente à tra­vers les sou­bre­sauts his­to­riques qui ont contri­bué à la fon­der, puis à la faire durer.

yann-loic andre

Ber­nard Richard, Les Emblèmes de la Répu­blique, Paris, CNRS Edi­tions, 2012, 430 p. – 27, 00 €.

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