Une vérité innommable au seuil de l’obscur et de la clarté
Homme des bois et des montagnes, Thierry Martenon souffre — pour sa notoriété — de son aspect ermite. Retiré dans les Bauges en Savoie, il poursuit néanmoins ce qui tient à une utopie de la vision à travers des formes et mixages apparemment simples mais plus complexes qu’il n’y paraît. Nouveau Brancusi, il porte une attention aux formes mais aussi à leur matière (principalement de bois mais pas seulement) afin de reconstruire le monde en des opérations toujours peu ou prou “expérimentales”. Par le minimalisme – qui n’exclut pas un certain lyrisme -, il crée dans un dénuement ardent mais apaisé.
Les formes épurées marquent une obsession, une hantise de l’entrave dont le créateur veut libérer ses œuvres. Comme s’il voulait réparer le trauma d’une époque qui croule sous les images aussi répulsives qu’attractives. Ses œuvres permettent de penser l’être, son rapport à l’autre, le masculin et le féminin en une concentration source de “simplicité” — ce qui reste le plus difficile dans l’art et qui demeure l’apanage des grands maîtres.
Pour Thierry Martenon, il convient toujours de revenir à l’essentiel : l’image primitive et sourde ou s’atteint aune sorte d’essence et de clarté par ce dépouillement majeur là où l’art semble se dérober mais résiste pourtant de manière essentielle. Y demeure ce qu’il y a de plus fantastique, comme il est fantastique — si l’on accepte d’y penser un peu — de posséder un nez et deux yeux, un nez entre les deux yeux.
En résumé chez Thierry Martenon l’image n’est pas l’apparence, elle n’est pas un rêve trouble non plus. Surgit la lueur d’une vérité innommable au seuil de l’obscur et de la clarté, du dehors et de dedans afin que jaillisse la lueur du vivant. Et ce, même lorsque la présence de l’être fait défaut ou n’est que suggérée. Existe donc le rythme visuel de l’arrêt du levant et du couchant, du devant et du dedans.
jean-paul gavard-perret
Thierry Martenon, Galerie Ruffieux-Bril, Chambéry, juillet 2016.