Défini en quatrième de couverture comme une « féminisation radicale et systématique de la langue à travers une révision du mythe de Diane », le recueil dédié à sa fille par Sophie Loizeau est celui de la création conjointe de la vie et du livre plus que jamais “à venir” (Blanchot). Il se passe dans le ventre de la langue et du corps : là où généralement le mâle s’enfonce dans le second et s’empare du premier pour oublier son errance. Ici, il disparaît : exit le face-à-face pour l’in utero pour une autre jouissance.
Diane se dédouble dans cette épreuve du dehors de l’écriture et du dedans de la gestation. D’où la poussée d’un nouveau monde. Le texte est un précipité au moment où le bébé “urine, en moi et sécrète”. Si bien que cette double expulsion « établit la chronologie positive.» A la jouissance qui accompagna la scène primitive de la “nuit sexuelle” dont parle Quignard (cité dans le livre) se substitue une autre volupté.
La langue maternelle “bande” pour transmettre à sa fille d’autres semences selon un lien qui perdure ex-utero au milieu des livres et de l’ordinateur de la femme/mère/écrivante dans son appartement et les forêts qui le jouxtent.
Vêtue de son enfant devenue livre ouvert, Sophie Loizeau éprouve un plaisir plus grand que celui éprouvé tête renversée dans l’orgasme sur le lit des amours. Il en existe soudain d’autres plus « enfantines ». Ou premières. La poétesse s’y retrouve en cercle tandis qu’elle éprouve en son ventre un cerveau, une constellation, le sentiment de l’espace.
C’est ainsi que les mots cèdent ou remontent dans la langue vitale d’un corps qui ne connaît plus la solitude. Le poids de celle-ci est effacé. Preuve que l’enfantement met en état d’écoute. Avant et après sa naissance, la petite Diane parle pour la grande — l’inverse est vrai aussi. Sort soudain la voix de dedans que le mental ignore.
jean-paul gavard-perret
Sophie Loizeau, Le Roman de Diane, Rehauts, 2016 — 10, 00 €.