Glenn Cooper, La Terre des damnés, t.1 : — “La Porte des ténèbres”

Un pre­mier volet enthousiasmant

Emily Loughty est res­pon­sable du pro­jet Her­cule pour la recherche des par­ti­cules exo­tiques sur le MAAC (Mas­sive Anglo-Americain Col­li­der). Ce col­li­sion­neur, six fois plus long que celui du CERN, est enterré sous le péri­phé­rique de Londres. John Camp en assure la sécu­rité. Ils sont amants. Mais Emily rompt toutes rela­tions quand elle sur­prend John placé dans une situa­tion ambi­guë à son corps défen­dant.
Une expé­rience menée au-delà des limites pré­vues par Emily pro­voque l’accident. Elle dis­pa­rait de son siège, rem­pla­cée par un mys­té­rieux indi­vidu qui prend la fuite, lais­sant der­rière lui une odeur de décom­po­si­tion. Des recherches appro­fon­dies l’identifient comme un meur­trier exé­cuté par le bour­reau en… 1949, sur les lieux où il est apparu. C’est la stu­peur, per­sonne ne com­prend ce qui a pu se pas­ser. C’est un scien­ti­fique qui émet une hypo­thèse que cha­cun juge rele­ver de la science-fiction : Emily aurait été aspi­rée dans une sorte de tun­nel, un pli entre deux dimen­sions, un autre univers.

John, Orphée moderne, décide d’aller recher­cher son amante et une nou­velle expé­rience, dans les mêmes condi­tions, est mise en œuvre. Il s’est équipé pour ten­ter de faire face à ce qui l’attend ailleurs, arme, montre… Il est convenu de renou­ve­ler l’opération chaque semaine à la même heure pour auto­ri­ser leur retour.
Et John arrive dans un uni­vers gris, boueux où règne une odeur de putré­fac­tion qui évoque, en pire, les latrines infectes d’un avant-poste afghan. Il ren­contre Dirk, un jeune homme, qui cherche son jeune frère brus­que­ment dis­paru. Celui-ci emmène John dans sa masure et lui donne quelques expli­ca­tions sur l’endroit où ils se trouvent. C’est un monde peu­plé uni­que­ment de cri­mi­nels qui ont struc­turé une société où règne la loi du plus fort, où les femmes sont rares, donc très recher­chées par les puis­sants des lieux. John, lors de son pas­sage, a perdu tout ce qu’il avait de métal­lique sur lui. Accom­pa­gné de Dirk, il part vers un début de piste, igno­rant tout de ce qui l’attend…

Glenn Cooper a déjà signé quelques thril­lers his­to­riques remar­quables tels que La Pro­phé­tie des papes et sa tri­lo­gie avec Will Piper pour héros (tous parus au cherche midi). Tous ses romans sont ser­vis par une base docu­men­taire solide, un sens de l’action et une ima­gi­na­tion fer­tile. Diplômé en archéo­lo­gie d’Harvard, puis en méde­cine, il s’est orienté vers la recherche en bio­tech­no­lo­gies. Son par­cours explique son aisance à intro­duire, dans le pré­sent roman, nombre de don­nées sur ces par­ti­cules dites exo­tiques que les cher­cheurs pré­sup­posent sans avoir pu, encore, démon­trer leur exis­tence. Il ne faut sur­tout pas se lais­ser rebu­ter par les pre­mières pages qui sont d’un abord plu­tôt ardu car elles pré­sentent un inté­rêt cer­tain et intro­duisent de façon cohé­rente une suite pas­sion­nante.
Le roman­cier donne une nou­velle vision de l’Enfer, de la Géhenne, du monde d’En Bas. Les cri­mi­nels se retrouvent ici, en un seul mor­ceau, pour y vivre tou­jours. Per­sonne ne meurt. Ceux dont le corps est endom­magé à la suite de bagarres ou d’accidents, sont pla­cés dans une salle de décom­po­si­tion où ils vivent dans un misé­rable état d’agonie.
Glenn Cooper, en galant homme, ou en expert dans l’art du récit, peuple son enfer de peu de femmes, leur attri­buant ainsi une meilleure huma­nité qu’aux hommes. Parmi les habi­tants de ces lieux, le héros va croi­ser, entre autres, quelques-uns des plus grands cri­mi­nels tels que Himm­ler, Henri VIII, le duc de Guise. Il sera éga­le­ment confronté à Gari­baldi, Clo­vis, au Cara­vage… Mais tous tiennent des rôles bien dif­fé­rents de ceux qu’ils avaient sur Terre, bien que…
John Camp n’est pas choisi au hasard : ancien sol­dat ayant séjourné, entre autres en Afgha­nis­tan, il a fait par­tie des Bérets verts. Il sait se battre et sur­vivre dans des condi­tions extrêmes.

Le roman­cier fait le tour des pos­si­bi­li­tés offertes par le monde qu’il a conçu, pri­vi­lé­giant actions et aven­tures mus­clées. Il défi­nit soi­gneu­se­ment le décor, créant un monde cohé­rent, une société repre­nant les pires prin­cipes de celles ayant pignon sur Terre. Il donne, à ses dif­fé­rents inter­ve­nants la vision de leur époque avec leurs connais­sances et leurs lacunes, ce qui apporte une touche d’humour.
La Porte de ténèbres, pre­mier tome d’une tri­lo­gie, renou­velle de belle manière le cadre du thril­ler et la vision de l’enfer faite par les reli­gions du Livre. Il offre un récit par­ti­cu­liè­re­ment bien construit que l’on a beau­coup de mal à quitter.

serge per­raud

Glenn Cooper, La Terre des dam­nés, t. 1 :  “La Porte des ténèbres” (Down : Pin­hole), tra­duit de l’anglais (États-Unis) par Diniz Ghalo, Cherche Midi, coll. “Thril­ler”, mai 2016, 576 p. – 21,00 €.

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