La monarchie britannique ignore la loi salique et elle ne peut que s’en féliciter puisque parmi les plus grands règnes de son histoire ceux d’Elisabeth Ière, Victoria et Elisabeth II comptent parmi les plus brillants. Mais qu’en est-il des autres reines, aussi bien celles régnant par elles-mêmes que celles cachées dans l’ombre de leur royal époux ?
L’ouvrage de Bernard Cottret jette une lumière sur ces pages méconnues de l’histoire anglaise. Très clair, agréable à lire, à la fois dense et accessible, il nous plonge dans un récit débutant avec l’Antiquité et la mythique Boadicée pour vite venir aux premières souveraines du haut Moyen Age et de la conquête normande.
On s’aperçoit que, même en Angleterre, confier le pouvoir directement à une femme ne va pas de soi, d’où les secousses que la succession d’Henri VIII provoque dans le royaume quand deux de ses filles montent sur le trône, Marie Ière et Elisabeth Ière. Certes, ces règnes sont très connus. L’intérêt du livre se situe ailleurs.
On apprendra ainsi beaucoup sur Henriette-Marie de Bourbon, épouse malheureuse de Charles Ier, qui s’engage dans les luttes politico-religieuses qui coûtent la vie à son époux. Car la religion occupe une place cruciale dans les rouages des successions à la Couronne d’Angleterre, on s’en aperçoit avec deux autres sœurs, Marie II et Anne. Cette dernière, protestante convaincue, connaît un règne glorieux, dans les arts comme dans la politique.
Toute aussi intéressante est la personnalité de la reine Caroline d’Ansbach, épouse de George II, un bel esprit impliqué dans les luttes politiques de son temps ; et incroyable est le destin d’une autre Caroline, de Hanovre celle-ci, épouse malheureuse du piteux Georges IV qui la traîne dans un procès devant la Chambre des Lords.
Cette famille de Hanovre, princes allemands devenus rois d’Angleterre, n’apparaît pas sous son meilleur jour ! Des alcooliques, débauchés, fantasques, déséquilibrés ! Il faudra une menace d’extinction de la dynastie pour que les princes fassent des mariages valides à défaut d’être heureux ; et in extremis le duc et la duchesse de Kent donnent vie à une petite princesse Victoria…
Le seul reproche qu’on puisse faire à ce bel ouvrage est de passer sous silence la reine Alexandra épouse d’Edouard VII et surtout la reine Mary épouse de George V qui connut le règne de l’auguste Victoria et s’éteignit à l’aube de celui de sa petite-fille Elisabeth II. Mais on comprend bien sûr que le cadre du livre ne le permettait pas. En tout cas, la reine Mary mériterait une belle biographie en français !
Bref, l’Angleterre a laissé les femmes régner et elle ne s’en est jamais plainte…
frederic le moal
Bernard Cottret, Ces reines qui ont fait l’Angleterre. De Boadicée à Elisabeth II, Tallandier, mai 2016, 429 p. — 23, 90 €.