Une édition « freak » qui se moque des règles
Louise Bottu, poétesse fictive et personnage réel de Pinget, a donné le nom des Editions du même nom (ci-contre photo J-M Martinez, responsable des éditions). Elles présentent les vacations farcesques d’auteurs parfois méconnus et parfois non. Des Landes (Mugron) surgissent les voix parallèles : celles de Jean-Louis Bailly, Lucien Suel, Antoine Brea et Albin à travers des textes qui ouvrent des voies nouvelles. A la littérature construite sont préférés ses matériaux : les mots qui anticipent la pensée puisqu’elle ne se fabrique que par leur émission. Elle se crée en avançant pour tenter de cerner le réel qui forcément lui échappe. Mais ses détours lui donnent néanmoins une silhouette plus ou moins aléatoire et potentielle.
Les raies alitées font les beaux draps de lits et ratures qui feignent de cultiver des hypothèses vagues où s’émet ce qui ne se dit pas encore mais surgit par effet de surface. L’auteur y est d’une certaine manière moins important que ses mots et ce qu’ils deviennent dans des cours détournés loin de la recherche de beauté marmoréenne.
Les textes choisis viennent de partout et de nulle part : découverts dans des blogs ou par des envois. Tout s’y dit rapido, glissando, quel que soit le « genre » ou sa propriété à le transgresser. Le directeur d’édition a le mérite de ne pas vouloir connaître personnellement « ses » auteurs car ils ne lui appartiennent pas. Il les laisse vivre leur existence loin de son Landes-art. Bref, Louise Bottu est une édition « freak » qui se moque des règles. Elle suit son cours. Tant que faire se peut et cultivant au besoin une posture « gaguesque » plus profonde qu’il n’y paraît.
Dans cet ensemble, Albin est un écrivain qui, anonyme, s’amuse à digresser à sa guise. Antoine Bréa prouve que toute biographie est une plaisanterie et une vue l’esprit : elle croît fabriquer du vrai mais ne cultive qu’erreurs et faussetés. Quant à Lucien Suel, il s’amuse tout autant du sentiment d’exister. Grâce à « la » Louise, tout redevient libre jusque sur les couloirs du métro. La tendresse est parfois de mise mais en décoction fantastique. Douleur n’est que berceuse. Les loups ne mangent pas plus les âmes que les ânes. Ceux-ci transforment leur hi-han ! en mots de la tribu sans devenir cloportes. Bref, chaque livre reprend le flambeau de la lune en plein vol et en plein jour.
jean-paul gavard-Pperret
Pour en savoir plus :
http://www.louisebottu.com/