Dado, Peindre debout

Les san­glots ardents de Dado

Les textes réunis de Dado prouve que l’artiste n’enferma jamais le désir dans la pri­son de corps, il l’étendit sur la toile res­sus­ci­tée dans cette nou­velle mémoire. Celui qui ne cessa de peindre debout en un souffle incen­diaire, sans cher­cher à mater les sou­lè­ve­ments de l’enfer ou du para­dis, donna à l’éternité l’écorce de l’éphémère. Sa pein­ture reste l’invention de nou­veaux rap­ports, l’ablation des décors.
Une telle pein­ture a des couilles, un uté­rus, une inten­sité de vie. Contre les affais­se­ments du corps et les sen­sa­tions lugubres, l’artiste pro­posa son éro­tisme particulier.

Son oeuvre n’a rien d’une facile com­plai­sance, d’un don envers la post­mo­der­nité. Il ne chassa jamais la vie. Tout son tra­vail se situe contre l’escamotage et l’esbroufe. Il s’appuya sur la force du pré­sent dans un sur­plus de fluide que la toile ne pou­vait jamais estam­per. Ceci n’est pas un trop. Ou plu­tôt, ce trop fait par­tie du corps de la pein­ture. Il demeure son rebut» sublime. Il prouve qu’il n’y a — pro­vi­soi­re­ment — plus rien à conqué­rir.
Car Dado ne dis­si­mula rien du peu que nous sommes mais sug­géra un sen­ti­ment exta­tique de la vie. Sa pein­ture reste donc l’« erreur essen­tielle » dont il ne fau­dra sur­tout pas se remettre.

Ajou­tons que Dado semble faire abs­trac­tion de la tech­nique : son acte est une force qui va. On se demande par­fois où il va cher­cher un tel élan. Sans doute, son recul face au néant lui fait enva­hir la toile, impose un état de « dérou­ta­tion », de sou­lè­ve­ments de flammes noires. Sur­git contre les Satan et les dieux la dimen­sion de l’inconnu mais ici-bas, ici-même. D’elle, sur­git un sen­ti­ment exta­tique, rupestre, conju­rant. Un désir aussi qui, s’il connaît l’angoisse, ignore la mélan­co­lie.
La pein­ture est nietz­schéenne, elle emporte. C’est le souffle de l’origine, de la « nuit sexuelle ». Dado, dans ses œuvres comme dans ses textes, fait res­pi­rer le monde avec le sen­ti­ment d’échapper au réel mais de n’être rien sans lui. L’artiste nie le rien appe­lant au désir.

jean-paul gavard-perret

Dado, Peindre debout, Ate­lier Contem­po­rain, Stras­bourg, 2016, 288 p. — 25,00 €.

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