Dans le « droit » fil de La Colonie Pénitentiaire de Kafka ou des Comédies et actes divers de Beckett, mais selon sa propre voix et son propre montage, Guillaume Condello crée le bris des lignes de vie. Passent entre leurs espaces les fluants perdus. L’auteur, gymnaste grammairien, les « saccade », les scande pour en faire un hymne où surgissent les ressacs de clameurs éteintes. Mais « tout ce qui reste », comme aurait dit Beckett, n’est pas un reste et l’auteur pourrait, comme lui, dire « I claim yes I do ». Et non seulement les syllabes en souffrance.
L’auteur sait que le vide jouait avec sa page depuis que l’Histoire reflète une image de sa lumière. Pour en sortir, le poème devient la « prause » du trans-historique, le garde-fou du vertige et la voltige des chants oubliés ou mis en bernes. Leur caducée ne tombe plus en poussière.
Guillaume Condello reprend la langue avec la trachée. Sa voix phréatique, traverse, quadrille selon un grillage particulier. Il permet au corps de l’Histoire et sa cohorte de chiens et de victimes de penser l’avenir et d’entretenir un espoir entre les cimetières des voitures, les ZAC bucoliques en plastique et les bibliothèques d’Alexandrie qui ne cessent de s’embraser.
Condello fait évoluer le poétique selon un ordre de la disparition et de la renaissance. En une suite de 32 culbutes, le livre tel qu’il est conçu bouge. Surgit un vertige littéraire jouant sur des systèmes de permutations. Elles intègrent le renversement d’un chaos loin de la grammaire superficielle d’une contemplation classique afin que bien des sens permutent par effets de scansions, de montage, de musique.
jean-paul gavard-perret
Guillaume Condello, Alexandre, Editions Dernier Télégramme, 2016, 190 p. — 15,00 €.