Evoquer le « ce qui » n’est en rien implicite. Cela implique non une logorrhée mais d’autres courants surgis des octets des petites mains de l’espace cérébral et ses neurostimulations. Le chaos, qui prend depuis des siècles la forme d’un rectangle livresque, reste insuffisant car ses formules le sont elles-mêmes.
Philippe Boutibonnes, d’une certaine manière, synthétise les pertes et les éclats du langage qui – dans son vouloir dire – ne cesse de rater sa cible. C’est d’ailleurs ce qui lui permet de se poursuivre. Tout énoncé tente d’explorer le monde mais ne fait-il pas que le tour de l’alphabet en ses chevauchements, ses recommencements, ses mouvements convulsifs ?
Boutibonnes rappelle que, plutôt que de produire de la pensée, la pensée dans la « tombe noire » du texte n’est pas le seuil que l’on croit : percutant le néant, il le devient. Il faut néanmoins rester sur ce seuil – là où les mots ne font pas ce qu’ils espèrent – qui n’en est pas vraiment un. La seule manière de toucher à l’extase du sens est non de s’enfermer dans la clôture du discours mais en celle du monde.
Il faut donc savoir rester sur le seuil devant ce presque rien pris pour un presque tout. L’auteur remet, en ce « sens », les horloges à l’heure : face à l’informulé, le texte en voulant l’éponger lui donne une valeur plus haute. D’où la quadrature de cercle du discours. Il nous fait signe mais il échappe toujours à la maîtrise humaine sans que nul n’ose le rappeler. Boutibonnes le fait.
jean-paul gavard-perret
Philippe Boutibonnes, Ce qui…, Editions de l’Ollave, Rustrel, 2016, 106 p. – 16,00 €.