La difficile fureur du vivre
Hannibal Volkoff propose une érotisation du corps adolescent ou plutôt adulescent plongé dans son jus culturel (le plus souvent border line). Tirés de ses reportages au sein de communautés libertaires, l’artiste est au diapason de ses modèles. « Fruits » de la période de crise que nous vivons, ces personnages permettent la création des portraits intimes et sociaux. L’insouciance, la fête, le sexe ne sont que des paravents, des écrans d’une fureur de vivre forcément larvée.
L’optimisme n’est plus de mise. Ce qui n’empêche pas cette jeunesse désabusée de tenter de secouer sans tabous le cocotier de la société, ses valeurs morales et codes. A travers la provocation, il s’agit de s’affirmer selon des rituels où plane une pan-sexualité diffuse, quelles que soient les pratiques (homo ou hétéro) d’une jeunesse issue des sous-cultures underground.
Le trouble permet, loin d’une simple visée « militante », une poésie active même si futur et utopie semblent des vues l’esprit. Les périmètres visuels sont restreints : mais, « Situationniste » à sa façon, l’artiste invente des spécificités plastiques qui suggèrent des ressources vitales que le vieux monde veut ignorer.
Se tisse un réseau de formes multiples d’éveil face au diktat du productivisme écarté du sens même de la vie. L’art est là pour s’élever contre les courants où l’être est noyé, là où paradoxalement il risque pourtant d’être privé d’eau « portable ».
jean-paul gavard-perret
Hannibal Volkoff, Nous naissons de partout, Editions les Presses Littéraires, Paris, 2016.