Bécassine n’est plus ici – palimpseste du paysage
Dans son voyage en un lieu inventé, Georges Hugnet (1906–1974) ne met pas l’accent sur le paysage mais sur la femme. Partant pourtant d’un territoire existant (la Bretagne), il propose son étrange guide « touristique », pastiche du célèbre guide à couverture rouge. Il sera publié plus de 20 ans après sa réalisation sous le titre « le Guide Rose Micheline ».
Le type de réalité qu’il dévoile est parfaitement le fruit de fantasmes et les œuvres interrogent le pouvoir et les limites du genre nommé « guide ». Il devient ici non plus copie mais révision du jardin d’Eden selon diverses perspectives iconoclastes. Elles mettent l’accent sur le hiatus qui existe entre un faiseur (et son incapacité à saisir la réalité puisqu’il retourne la passion du réel en passion des semblants) et le « vrai » artiste. Celui qui, en développant un langage propre et « monstre », donne au paysage sa vraie nature rêvée loin des salamalecs en usage.
L’art devient le moyen non pas d’atteindre le réel mais de dire quelque chose de son au-delà pour dénoncer les mensonges de l’ordre social, du religieux comme de l’art. Dans l’œuvre et l’exposition new-yorkaise, il n’est plus question de multiplier le pastiche mais le postiche.
Souligner l’artificialité de toute représentation paysagère se crée par des stances surréalistes. Elle sont des dérives plastiques à caractère érotique ou ludique là où le paysage et la femme nous regardent les regarder.
jean-paul gavard-perret
Georges Hugnet, Huit jours à Trébaumec, Ubu Gallery, New-York, du 19 mai au 30 septembre 2016.