Entretien avec Laurine Rousselet , l’auteure de Nuit témoin :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Lorsque la fatigue semble s’éterniser en moi. D’un bond, d’un seul, je me lève.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Mon quotidien. Chaque jour, parvenir à noter, tracer, lire, écouter tout ce que l’absence et l’attente en moi me content. Entre tressaillement et stupeur, l’imaginaire assis regarde le monde.
À quoi avez-vous renoncé ?
Depuis que je suis née, le modèle à suivre.
D’où venez-vous ?
D’un père Jean-Marc et d’une mère Maryvonne, qui m’ont lâchée en cris au monde.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Beaucoup de déchirements et peu d’hésitations.
Un petit plaisir – quotidien ou non ?
Le plus petit est une pâte de fruit.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres écrivains ?
De ne pas savoir qui ils sont et de les aimer tous.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Le silence complet dans mon corps. Frémissement, perdition, bien-être entremêlés.
Et votre première lecture ?
Je ne me souviens de rien d’autre que le roman “Pivoine” de Pearl Buck. J’avais douze ans.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Les musiques des Caraïbes, la musique latino et afro-américaine, les musiques orientales. Le Fado et le Flamenco. La musique classique occidentale ayant bercé toute mon enfance.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Indices terrestres de Marina Tsvétaïeva.
Quel film vous fait pleurer ?
Une femme sous influence de John Cassavettes.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Le matin, l’image d’une femme pressée en train de se maquiller. Le soir, l’image d’une femme pressée d’aller s’allonger.
À qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
À moi-même.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
La ville d’Ourouk où a été retrouvé le plus ancien écrit du monde (seconde moitié du IVe millénaire avant J.-C.). Gilgamesh, le cinquième roi de la dynastie d’Ourouk, devient le premier héros-fondateur, inspire la première épopée qui nous soit parvenue, la plus ancienne. Au quotidien, j’estime toujours écrire sur des tablettes.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Marina Tsvétaïeva, Anna Akhmatova, Alejandra Pizarnik, Antonin Artaud. Pas un jour sans que je relise quelques lignes d’au moins l’un d’entre eux.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Je suis née un 31 décembre. Aujourd’hui, 21 juin. C’est trop loin. Alors, rien.
Que vous inspire la phrase de Lacan : « L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas » ?
L’Amour serait l’idée du dépassement, dépassement qui n’est pas l’oubli de soi. Révélation de l’échange dans l’ignorance. Car impossibilité, à l’in-fini et in-défini, de la rencontre de soi dans l’autre, de l’autre dans soi, de l’autre soi, renoncement du tout-un.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : « La réponse est oui mais quelle était la question ? »
Toute création artistique devrait en effet devancer nombre de questions !
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Le ciel est-il bleu, ce matin ?
Entretien réalisé par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com au solstice d’été 2016.