Jean-Louis Bernard, A l’ordre de l’oubli

« Apprendre à oublier néces­site de prendre son temps. » (JLB)

Parlant de son recueil, l’auteur écrit : « L’oubli est-il une défaillance de la mémoire ou plu­tôt son /allègement, ôtant les sco­ries qui la para­si­taient et la ren­dant / en consé­quence plus effi­ciente, aidant ainsi la vie à se construire en liberté ? ». La seconde pos­tu­la­tion est celle que choi­sit, après un long appren­tis­sage, l’auteur. Les sou­ve­nirs, dont tant de poètes beurrent leurs écrits, ne sont que de fades flaques sur le papier :  un éche­veau d’ouate plus ou moins salie et dont on se demande com­ment il peut fas­ci­ner les écri­vains qui se « char­la­ta­nisent ».
Jean-Louis Ber­nard, à l’inverse, se laisse aller à décou­vrir dans le temps plu­tôt que se perdre dans les mer­veilleux nuages du passé. C’est cela qui vaut poé­ti­que­ment et phi­lo­so­phi­que­ment le coup dans cet objet si intan­gible qu’est l’écriture. Preuve que, du temps passé, nul être ne sau­rait être dupe quand il sait trou­ver des rai­sons nou­velles de s’émouvoir. « L’oubli per­met d’aller à l’essentiel de ce qui dure. C’est un geste vers le Perdu, un geste à réap­prendre pour les temps de famine » ajoute l’auteur tendu vers l’avant tout en ne fai­sant pas l’impasse sur la plainte de l’origo.

A ce titre, la poé­sie pos­sède encore un ave­nir radieux parce qu’elle se refuse à être le dépo­toir des décon­ve­nues. Adepte de l’attente et de l’adoption du contin­gent, l’auteur sait trans­for­mer le fac­tuel et l’éphémère avec une péren­nité de fond et de forme. L’essence poé­tique y reste aussi dis­crète que sub­tile. Tout semble saisi en rythmes volu­biles et res­ser­rés de manière simple.
Rien pour­tant de plus dif­fi­cile que la sim­pli­cité, en art comme en poé­sie. Mais Jean-Louis Ber­nard ne se laisse jamais englué dans la gri­saille de rémi­nis­cence. Il va l’amble dans un ter­ri­toire inédit et devient à sa manière un par­fait irré­gu­lier de la langue puisqu’une pen­sée poé­tique s’y invente. Chaque texte se méta­mor­phose en un espace de cil­le­ment. Le texte est mis en ten­sion aux anti­podes des ten­ta­tions régres­sives de trop de cor­pus.
L’œuvre est donc minu­tieu­se­ment agen­cée hors pathos et dans un art sub­til de l’esquive face aux équi­voques du « subi ».

jean-paul gavard-perret

Jean-Louis Ber­nard, A l’ordre de l’oubli, Edi­tions Alcyone,

B.P. 70041, 17102 Saintes cedex, 2016.

www.editionsalcyone.fr

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