Entretien avec Zack Hunter (Emily Virosa)

 Ren­contre, par la res­pon­sable du site La révo­lu­tion inté­rieure, avec un explo­ra­teur de la conscience humaine

Zack Hun­ter est un jeune écri­vain amé­ri­cain âgé de 25 ans. Il vient de publier son pre­mier roman, dis­po­nible sur Inter­net. Les 246 pages d’Emily Virosa ont été écrites cet été en seule­ment 13 jours. C’est une oeuvre lit­té­raire non iden­ti­fiée. Un roman quasi-chamanique. L’auteur nous convie à un voyage phi­lo­so­phique sur les thèmes de l’amour éter­nel, de la peur, de  la mort et de la recherche constante d’ une vie pleine de sens. Ce livre est le pre­mier tome d’une série de trois volumes. Les deux autres, Zack Hun­ter compte les écrire loin du monde. Dans un mois, il largue tout pour rejoindre un coin perdu des Etats-Unis et vivre sa vie d’artiste au sein d’une com­mu­nauté auto-suffisante sans Inter­net et sans télé­phone. Autant vous dire que l’interview que vous allez lire sera bien­tôt inédite. 
Cet auteur insom­niaque  par­tage un point com­mun avec les poètes fran­çais Arthur Rim­baud et Charles Bau­de­laire, il est synes­thète. Il a bien voulu répondre à mes ques­tions et je l’en remercie !

Vous êtes un explo­ra­teur, et vous repré­sen­tez notre espèce et le plus grand bien que vous pou­vez faire est de rame­ner une nou­velle idée, parce que notre monde est menacé par l’absence de bonnes idées. Notre monde est en crise à cause de l’absence de la conscience .
Terence McKenna, écri­vain américain

Que raconte ton livre Emily Virosa et com­ment l’as-tu écrit ?
J’ai écrit Emily Virosa en 13 jours, entre la nou­velle lune et la pleine lune cet été. L’histoire elle-même est un voyage phi­lo­so­phique à tra­vers divers états médi­ta­tifs. J’y parle de l’amour éter­nel, de la peur, de la mort et de la recherche d’une vie pleine de sens. C’est le pre­mier roman d’une tri­lo­gie, il y en aura donc deux de plus que je vais écrire parce que cela fait par­tie de mon che­min. Lorsque l’idée d’Emily Virosa est née, j’ai senti un désir irré­sis­tible d’écrire. J’ai tou­jours été inté­ressé par la nature même de la conscience. Et à force de cher­cher j’ai fina­le­ment réa­lisé que c’est la conscience qui crée la réa­lité et non pas la matière qui crée la conscience. Une fois que j’ai com­pris que tout ce que nous sommes n’est qu’une illu­sion du men­tal et que le temps et l’espace dépendent de notre état de conscience,  j’ai écrit mon livre jusqu’au der­nier mot sans m’arrêter. J’ai bu beau­coup de café et j’ai beau­coup fumé au cours de ce pro­ces­sus.  Une fois que j’ai eu fini, je l’ai envoyé à mon édi­teur. Elle a pris soin de cor­ri­ger les erreurs gram­ma­ti­cales. La seule chose qu’elle vou­lait enle­ver était une  phrase dans l’une des scènes de sexe, mais je l’ai laissée !

Peux-tu nous par­ler de ton enfance et de ton par­cours d’auteur ?

Bien sûr. Pour résu­mer, j’ai grandi en Cali­for­nie dans un envi­ron­ne­ment rela­ti­ve­ment “nor­mal”  selon un mode de vie sub­ur­bain tout à fait clas­sique. Je pense que mes parents n’attendait pas for­cé­ment un enfant comme moi. Mon enfance a été par­cou­rue d’ expé­riences mys­tiques qui m’ont à la fois effrayé, puis rendu admi­ra­tif, avant de me lais­ser per­plexe. Je res­sen­tais très for­te­ment les gens autour de moi. Une hyper­écep­ti­vité dont je ne savais pas quoi faire. Je savais que j’avais du sang autoch­tone dans les veines mais je n’avais aucune tribu pour me mon­trer le che­min. J’ai dû suivre ma propre route. 
Donc, à par­tir de l’âge de 9–13 ans, c’est ce que j’ai fait. J’ai com­mencé à  m’adapter au monde envi­ron­nant puis mes amis ska­ters m’ont ini­tié au can­na­bis. Je me sou­viens très bien de la pre­mière fois où j’ai vrai­ment com­mencé à pen­ser par moi-même. Je suis alors devenu alors exac­te­ment qui j’étais et qui je vou­lais être. Les aspects cha­ma­niques de mon écri­ture découlent direc­te­ment de mon désir inces­sant de vérité. J’ai plongé la tête la pre­mière dans toutes les expé­riences et je l’ai fait à plu­sieurs reprises pour com­prendre exac­te­ment ce que nous sommes et ce que nous sommes capables de faire.  
Rêver, pro­vo­quer des sor­ties hors du corps, médi­ter en expé­ri­men­tant  la pri­va­tion sen­so­rielle, j’ai tout tenté. Je suis allé très loin. Je n’ai jamais tourné autour du pot et  je n’ai jamais laissé la peur avoir une prise sur ma façon de vivre ces expé­riences.  Décou­vrir qui nous sommes, c’est aussi le sens de ma quête d’écrivain.

Quels sont les auteurs qui ont guidé tes pas ?

Je me suis reconnu dans l’esprit  des poètes Beat pen­dant  un cer­tain temps. Jack Kerouac, Allen Gins­berg, William Bur­roughs, et tous leurs col­lègues. Robert Anton Wil­son et John Lily ont éga­le­ment été parmi mes écri­vains favo­ris. J’ai appré­cié la fic­tion d’Haruki Mura­kami, Chuck Palah­niuk, Phi­lip K. Dick, et sur­tout Tom Rob­bins, qui était un ami de Terence McKenna. Rob­bins aurait tota­le­ment impro­vi­ser ses romans. J’aime faire la même chose. Une fois que je suis lancé je peux écrire pen­dant 12 heures d’affilée.( Tous ces auteurs sont des écri­vains amé­ri­cains recon­nus pour leur romans ini­tia­tique, d’anticipation, de science-fiction, ou encore leur écri­ture cha­ma­nique et leur phi­lo­so­phie avant-gardiste. Ce sont des psy­cho­nautes qui uti­lisent leur art, l’écriture, pour aller son­der dif­fé­rents espaces inex­plo­rés de la conscience humaine ndlr).

Tu es né avec un gène qui modi­fie tes per­cep­tions sen­so­rielles. Qu’est-ce que la synes­thé­sie et com­ment influence-t-elle ton rap­port au monde ?

La synes­thé­sie est un phé­no­mène très inté­res­sant. En fait, mon sens de l’ouïe et de la vue sont  indis­so­ciables. Je vois et j’entends en même temps : c’est comme si j’avais deux sens en un. Donc, quand je vais dans le monde ou quand je médite, j’entends ce que je vois et je vois ce que j’entends. C’est dif­fi­cile à expli­quer, mais j’aime faire des aller-retours entre ces uni­vers– là, entre mon espace inté­rieur et l’extérieur. Cela se pro­duit  invo­lon­tai­re­ment ou alors quand je me concentre des­sus. J’aime par­ti­cu­liè­re­ment regar­der les choses et écou­ter leurs pos­si­bi­li­tés. C’est comme si cela ouvrait une dimen­sion tout à fait dif­fé­rente de la réso­nance et de la beauté.

Je peux voir dans mon esprit les formes cyma­tiques qui se créent lorsque  j’écoute de la musique élec­tro­nique. Cela res­semble à des motifs géo­mé­triques et des frac­tales avec des cou­leurs variables de l’arc-en-ciel et des tons pas­tels qui se mélangent.  On pour­rait décrire cela comme de l’ argile liquide. La musique  techno, sur­tout mini­ma­liste, frappe vrai­ment une corde sen­sible chez moi pour cette rai­son. Quand je joue aussi du bol tibé­tain sur mes genoux, je peux voir des formes cyma­tiques cou­leur or cou­ler à tra­vers mon corps et l’esprit du bol.

C’ est très com­plexe et je consi­dère que c’est une béné­dic­tion car cela me per­met de pui­ser dans une source  pro­fonde de la conscience. La plu­part du temps il y a tel­le­ment d’énergie en moi que j’ai du mal à dor­mir. Pour moi il y a dif­fé­rents ”Autres mondes” qui sont comme des mul­tiples couches de la perception.

Tu vas te reti­rer du monde pour écrire la suite d’ Emily Virosa. Pour­quoi  ?
Je ne suis pas un ermite, ren­fermé sur lui-même.  Lorsque j’évoque le fait de vou­loir me reti­rer du monde, les gens me parlent de soli­tude et ils ne com­prennent pas. Ils ne réa­lisent pas que la plu­part du temps, je me sens beau­coup plus seul dans mon appar­te­ment devant mon écran d’ordinateur. Là où je compte vivre et tra­vailler je ne serai pas seul. Je serai avec d’autres per­sonnes qui par­tagent les mêmes désirs et les mêmes objec­tifs d’autosuffisance que moi. Il est plus judi­cieux de vivre et de tra­vailler en groupe. C’est drôle com­ment les villes peuvent pous­ser un grand nombre de per­sonnes dans leurs propres petits mondes à cause de l’Internet ou de la télé­vi­sion ou autre chose. Je pense que les êtres humains sont des petits mor­ceaux de la Terre elle-même et que l’unité est nécessaire.

Quelle est ta vision de l’avenir de l’humanité ?

Je ne sais pas ce qui va arri­ver. Je sou­li­gne­rai sim­ple­ment ceci. Regar­dez les modèles. Les choses ne tournent pas rond dans ce monde. La plu­part des gens semblent se débattre  avec des tas de pro­blèmes qui découlent de cette  société dans laquelle nous vivons et cela ne va pas en s’améliorant. Nom­breux sont igno­rants de ce qui se joue. D’autres sont conscients de ce qui se passe et ne savent pas quoi faire. Ils manquent d’idées. Elles n’ont pas été ensei­gnées à l’école publique de la sur­vie, ça c’est sûr. Nous ne pou­vons rien attendre de mieux sauf si nous déci­dons de faire quelque chose. De nou­velles méthodes doivent être appli­quées. A cha­cun de faire son choix. Per­son­nel­le­ment, tout ce que je sais, c’est que j’en ai assez d’essayer de m’adapter à des concepts dépas­sés. La civi­li­sa­tion telle que je la vois est cor­rom­pue et dépouillée de l’abondance et je refuse de par­ti­ci­per à cela et de conti­nuer à four­nir de l’énergie pour que cette société sur­vive. Elle avale la vie elle –même et entraîne de nom­breuses per­sonnes dans son gouffre. Je vais la regar­der tomber.

Quel serait ton mes­sage aux jeunes qui se déses­pèrent de l’état du monde ?

Eh bien, je ne sais pas pour toi, mais je ne peux pas vrai­ment être une per­sonne heu­reuse en sachant que je fais par­tie du pro­blème en res­tant dans le jeu de cette société. C’est comme men­tir à moi-même. J’ai atteint un point de non-retour. Si je veux être une per­sonne heu­reuse ou du moins satis­faite de ce que je fais avec cette exis­tence tem­po­raire, j’ai besoin de quit­ter tout cela et de vivre une vie simple, aussi éthique que pos­sible. Peut-être que je ne serai jamais vrai­ment  heu­reux, mais au moins j’aurai essayé. Si je n’essayais pas  ma vie serait une erreur.  Je veux apprendre à vivre en auto-suffisance et je vais apprendre cela  direc­te­ment auprès de ceux qui l’ont fait pen­dant des décen­nies dans des régions dif­fi­ciles des Etats-Unis avec suc­cès. Je ne vois pas de meilleure façon d’obtenir un savoir pra­tique.
Il y aura tou­jours un besoin de bras et d’ esprits pour mettre en place des com­mu­nau­tés auto­nomes et j’ai l’impression que c’est un sage pre­mier pas vers mes objec­tifs per­son­nels. C’est une forme de résis­tance. Comme aller à contre-courant. C’est inévi­table si vous ne sou­hai­tez pas suivre ce flux qui res­semble à une spi­rale des­cen­dante vers l’auto-destruction col­lec­tive. Bien sûr, ce n’est pas «facile» mais il n’y a pas d’autres choix pour moi.

Quel est ton objec­tif en tant qu’écrivain ?
Mon but en tant qu’écrivain est d’emmener mes lec­teurs dans un espace à la fois drôle et ins­pi­rant. J’ai com­mencé à écrire parce que je me suis ennuyé avec beau­coup de fic­tions et de poé­sies. Il semble que beau­coup d’écrivains se contiennent, je sais qu’il y a beau­coup de choses à dire dans la rete­nue, mais per­son­nel­le­ment je tiens à ne rien cacher de mon écri­ture. La fic­tion nous emmène de l’autre côté du miroir, si vous avez envie de visi­ter cet espace invi­sible, n’hésitez pas à me lire.

L’humanité a avancé, quand elle a avancé, non pas parce qu’elle a été sobre, res­pon­sable et pru­dente, mais parce qu’elle  a été ludique, révol­tée et imma­ture– Tom Rob­bins

La nature aime le cou­rage. Engagez-vous et  la nature répon­dra à cet enga­ge­ment en sup­pri­mant les obs­tacles impos­sibles. Rêver un impos­sible rêve et le monde ne va pas vous broyer, il vous élè­vera.” — Terence McKenna

Pro­pos recueillis et pré­sen­tés en août 2012 par san­dra coutoux

NB - A l’ultime ques­tion posée par lelitteraire.com via San­dra,  ”d’où vient le titre de l’oeuvre ?”, l’auteur répond : “Lorsque j’écrivais, je devais trou­ver un nom pour un per­son­nage, et il devint par la suite le nom du roman. J’aime bien le nom Emily parce que  cela semble doux et inno­cent pour moi, mais avec un côté sombre aussi. Virosa, d’autre part, évoque quelque chose d’ infecté et et de mor­tel.  Ama­nita Virosa par exemple, est un cham­pi­gnon mor­tel étroi­te­ment liée à l’ange exter­mi­na­teur. Met­tez les deux ensemble et cela donne le titre du livre.”

Le livre Emily Virosa de Zack Hunter

Le blog de Zack Hunter

Un lien sur les dif­fé­rents types de synesthésie

Pour plus d’informations sur ce sujet voir le site de notre chro­ni­queuse :
 La révo­lu­tion intérieure

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