David Ellis, après avoir maintenu en haleine les lecteurs de Caché (Cherche-Midi – 2012) récidive et plante le cadre d’un thriller extrêmement efficace, à l’intrigue retorse et au suspense redoutable. Son héros, Jason Kolarich, est avocat perspicace, un très bon avocat, exerçant dans une ville jamais nommée. Mais cela pourrait être Chicago, ville où travaille le romancier. Il le dote d’une philosophie professionnelle basée sur le résultat, presque un jeu : défendre des malfrats qu’il sait coupable, mais qu’il va faire disculper.
Cette troisième enquête de l’avocat (la seconde reste à traduire en français), va mettre à mal ses habitudes et il va se retrouver au cœur d’une affaire qui va l’impliquer dangereusement, lui et ses proches.
Une jeune femme est assassinée, en pleine rue, d’une balle dans la tête alors qu’elle rentrait chez elle. La police arrête un ancien soldat, de retour d’Irak, devenu SDF, et logeant dans le parc voisin du domicile de la morte. Il était en possession du sac de la victime. Son attitude est étrange. Interrogé par deux inspecteurs, il marmonne sans cesse. Lorsque ceux-ci parviennent à capter son attention, il reconnaît les faits et son arme. Il se dresse soudain et commande : “Lâche ça ! Je t’ai dit de lâcher ça ! Lâche cette arme…”.
Sa tante contacte Jason Kolarich au tribunal pour lui demander d’assurer la défense de son neveu, car son avocat, commis d’office, arrête sa mission. Dès la première rencontre, Kolarich est persuadé de l’innocence de Thomas David Stoller. Mais le cas n’est pas simple car l’ancien lieutenant, démobilisé depuis presque deux ans, souffre, en plus du syndrome de stress post-traumatique, de schizophrénie hébéphrénique. Il dispose de cinquante jours pour le sauver. Jason et ses collaborateurs, cherchent dans un premier temps, à rassembler des éléments pour plaider la folie. En faisant le lien entre cette affaire et une autre impliquant la mafia locale, ils vont mettre le doigt sur des éléments troublants. La victime était en possession de certaines informations qu’elle n’aurait jamais dû avoir, informations susceptibles de mettre en jeu la vie de plusieurs milliers de personnes.
Les investigations et les enquêtes que mène l’équipe de Jason l’entraîne dans une course contre la montre et à mettre le doigt sur une conspiration terroriste. Elle va, à son tour, devenir une cible…
David Ellis connaît bien les prétoires, les tribunaux, leur fonctionnement. Il livre un récit où il utilise largement les termes, procédures et autres codes du monde judiciaire. Avec des amendements, des procédures, des plaidoiries, il décrit un univers codifié et féroce où la jurisprudence est essentielle et les dossiers impersonnels. Il propose des dialogues étincelants, révélant la réalité d’un système tentaculaire où seuls des spécialistes chevronnés peuvent s’y retrouver. Il montre un aspect très américain de la justice qui oscille entre sanctions et négociations. L’auteur évoque également cette vision qui semble ignorée de l’Hexagone et qui offre une reconnaissance du pays à l’égard de ceux que celui-ci a envoyé combattre dans des conditions difficiles tant physiquement que moralement.
Avec ce roman, publié aux USA en 2012, David Ellis propose un bon moment de lecture à suivre les arcanes d’une intrigue construite avec soin, servie par un style alerte et par une galerie de personnages particulièrement réussie.
serge perraud
David Ellis, La Conspiration Kolarich (The Wrong Man), traduit de l’anglais – États-Unis – par Diniz Galhos, Le Cherche Midi, coll. “Thrillers”, avril 2016, 576 p. – 21,00 €.