Sous forme de torsion et d’hommage aux albums du groupe Deerhoof, dont le titre est un « à peu près », Fréderic Forte crée un acquiescement insolite au monde qui se dérobe ou qu’il fait éclaircir. Par tous les angles du livre, il s’agit d’apprivoiser la surface du réel et la percer par déplacement de l’objectif de langage poétique.
Le poème crée une fiction sèche. Une nudité nouvelle voit le jour avec avertissement à son vacarme. L’image (poétique et à la fin visuelle) retient, disperse en poussières narratives. Au besoin, le livre avance par « découragements ». Mais — Zorro ou non — l’auteur zèbre le discours, page après page. Il progresse à travers la musique. En morceaux. Le texte plie et déplie, pend, se repent. Pas à pas, « Lapinou grandit ». Jusqu’à ce qu’en fin de texte les pensées aillent par deux et se doublent de vignettes.
Chaque partie de Dire Ouf est une scène. Le corps en est sorti. Un détournement musical est là pour effacer la douleur. Existe l’éloignement de la proie pour l’ombre de manière ironique – avec, en sus, l’apprentissage de l’énigme par attention à l’infime comme au slogan, qui le dénature.
En période de creux et de vieillerie, loin des visions archaïques, le texte devient cavalerie ou effectue de grands moulinets « dans le style Pete Towsend » — les amateurs du musique rock et des « Who » comprendront — et c’est ce qui dit l’auteur. Le poème devient hertzien, transmute la musique en texte, met « un truc dans le machin », enfin presque. Qu’importe si, dans le jardin de l’être, il pleut : dans la maison du livre, il n’en va pas de même. Le lecteur s’y sent bien.
jean-paul gavard-perret
Fréréric Forte, Dire Ouf, P.O.L éditions, 2016, 96 p. — 11,00 €.