L’œuvre de Simone Pellegrini plonge dans une étrangeté qui transforme le monde. Et si quelqu’un tente de donner des explications, de déplier les raisons à ce travail, pour l’artiste elles s’emboîtent sans véritable sens ou tournent comme en un moulin : pour rien. Simone Pellegrini ne redoute pas le tonnerre. Il ouvre son univers sans se préoccuper du reste. Il faut y entrer sur la pointe des pieds sans rien déranger. Mais un tel travail réveille les morts, donne courage. Des signes-silhouettes traversent en robe légère l’été avant que tout sombre là où certains corps sont meurtris. Mais nul n’en saura plus. Reste la source du premier vertige. Seule l’artiste en connaît les secrets.
De l’artiste : Dans la chambre du silence, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2016, 24 p. — 900,00 €.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Mon horreur pour mon domicile.
Que sont devenus vos rêves d’enfants ?
Ils se sont transformés pour me seconder.
A quoi avez-vous renoncé ?
J’ai renoncé à l’idée du dimanche.
D’où venez-vous ?
D’une proue dorique.
Quelle est la première image qui vous a interpellé ?
Celle que je n’ai pas comprise par défaut de qualité de représentation. Ainsi se fait l’œil sur la maladresse des autres.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
« On écrit toujours à personne » mais les lettres inattendues et séculaires de Giovanni Presbitero continuent à être pour moi une manne.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
La monomanie mais en dehors de la voracité.
Où travaillez-vous ?
Uniquement dans mon atelier.
Quel livre aimez-vous relire ?
« L’été et autres essais solaires » d’Albert Camus.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Je vois celui qui me scrute de manière sévère et implacable
De quels artistes vous sentez-vous le plus proche ?
Jacopo Carucci dit il Pontormo, Piero della Francesca, Adolf Wölfli
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
La force au cœur du temps.
Que défendez-vous ?
Ceux qui ne peuvent se défendre par eux-mêmes.
Que pensez vous de la phrase de Lacan « L’amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas » ?
Je répondrais par l’expression de Saint Augustin : « desiderium sinus cordis ». (« Le désir est mesure de la profondeur du cœur »)
Et celle de W. Allen « La réponse est oui, mais quelle était la question ? »
Si c’est « oui », alors aucune question n’a été posée.
Présentation, entretien et traduction de l’italien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 10 mai 2016.