Liberté et dépendance, ange et démon : entretien avec l’artiste Marie Mons ( The Blue Escape, 2)

Par un tra­vail d’exigence des plus minu­tieux, Marie Mons fait jaillir le fémi­nin selon un céré­mo­nial très par­ti­cu­lier et andro­gyne. La beauté en est le centre mais de manière déca­lée : à savoir, sans répondre aux sté­réo­types dits « de charme ». Face à ce qui enferme dans un genre qu’il faut par­fois sup­por­ter tant bien que mal comme un far­deau, l’artiste pro­pose un uni­vers inter­lope – même si cet adjec­tif a quelque chose de réduc­teur. A tra­vers des figures réma­nentes l’artiste pousse vers une rup­ture capable de créer des ver­tiges dans un jeu infini d’inducteurs visuels déca­lés. Ils mettent le spec­ta­teur en équi­libre instable. Tout devient chausse-trappes. En sur­git un four­mille­ment d’images inté­rieures. Elles viennent sabrer l’illusion réa­liste dans des mises en scènes sou­vent nues, sobres, mini­ma­listes. Elles peuvent au besoin culti­ver un cer­tain malaise voire un malaise cer­tain. Pour une rai­son majeure : ce ne sont pas des mirages.

Marie Mons, « The Blue Escape, 2 », 16 ème fes­ti­val de la photo de nu – regards sur le corps, à Arles, au Palais de l’Archevêché

 

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’énergie d’aller plus loin dans ma démarche artis­tique, dépas­ser mes propres peurs en les affron­tant. Conti­nuer à façon­ner, faire exis­ter ce per­son­nage que l’on ren­contre dans mes pho­to­gra­phies, aller tou­jours plus loin, tra­vailler la performance.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Ils sont loin derrière.

A quoi avez-vous renoncé ?
A pas grand chose, si ce n’est à être une jeune femme nor­male à la beauté classique.

D’où venez-vous ?
J’aimerais venir d’ailleurs.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Du bon sens, le sens du lien social et la pas­sion pour les arts.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Un café au soleil avant d’aller travailler.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
La dif­fé­rence, le vécu, le lien avec l’intime.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
La vio­lence du “Cri” d’Edvard Munch.

Com­ment définiriez-vous votre approche de la fémi­nité ?
Com­plexe… Tra­vailler sur une sil­houette andro­gyne dans cer­tains pro­jets, ultra-féminine dans d’autres, ne rien lais­ser au hasard. Tra­vailler cette dua­lité en allant pui­ser au fond de soi.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
« La chute », j’en ai plu­sieurs exem­plaires dans ma bibliothèque.

Quel film vous fait pleu­rer ?
« Un homme qui me plait », un film de Lelouch ; « La sirène du Mis­sis­sippi » de Truf­faut. Plus récem­ment, j’ai été cap­ti­vée et très émue par l’univers fan­tas­tique et simple de « Val­ley of Love ». Au delà ce qui me fait pleu­rer, j’ai tou­jours eu une fas­ci­na­tion pour l’oeuvre de Stan­ley Kubrick, son éclec­tisme dans ses sujets de société, inti­me­ment en lien avec les pro­blé­ma­tiques de son époque au tra­vers une sym­bo­lique fascinante.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Un ange ou un démon, il y a peu de nuances dans les per­son­nages que je joue, mais tou­jours de la sincérité.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Seyðisf­jörður, un vil­lage situé dans la région des fjords de l’est en Islande. Un endroit fas­ci­nant ou le temps change en per­ma­nence, c’est aussi des condi­tions de haute mon­tagne sans alti­tude, au bord de l’océan. Le soleil y est absent l’hiver, c’est un endroit mys­tique qui abrite une com­mu­nauté d’artistes obsé­dés par l’existentialisme. J’y ai d’ailleurs lu des extraits de Nietzsche lors de per­for­mances cet hiver.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
J’aime les pho­to­gra­phies d’Antoine d’Agata et son uni­vers de désordre, je ne trouve pas plus fort en image sur sa capa­cité à déran­ger et sur son honnêteté.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Une bonne surprise.

Que défendez-vous ?
Le droit à la dif­fé­rence et celui d’être une femme libre, ne pas renoncer.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Dépri­mant et sans issue… L’Amour est cer­tai­ne­ment le pro­jet d’une vie pour réus­sir à faire quelque chose.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Je ne dirais pas de même.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
“Quels sont vos projets?

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 8 mai 2016 .

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