Le monde d’hier ( Stefan Zweig / Laurent Seksik)

La force de la can­deur face aux failles de l’horreur 

Un indi­vidu se pré­sente le plus nor­ma­le­ment du monde pour se confier. En expri­mant sa répu­gnance à par­ler de lui-même, il donne la tona­lité du pro­pos : il s’agit de confi­dences pro­non­cées sur le mode de la pudeur, révé­lant par contraste l’extraordinaire indé­cence des évé­ne­ments pré­sen­tés. Un écri­vain aussi sur­pris de son suc­cès que de sa déchéance explore les inco­hé­rences et les absur­di­tés de son temps, qui selon ses termes conjoint la plus grande puis­sance intel­lec­tuelle et la plus extrême déca­dence morale.
Ce sont les para­doxes d’une époque, qui se reflètent dans ceux d’une vie, que déve­loppe le témoi­gnage de Ste­fan Zweig. Il s’agit d’une confes­sion intel­lec­tuelle et his­to­rique, en quête d’une por­tée exis­ten­tielle, voire phi­lo­so­phique. Une recons­ti­tu­tion de l’esprit vien­nois, de l’aspiration euro­péenne, de la valeur de l’humanisme. Un hom­mage aux grandes villes, à Paris, au cos­mo­po­li­tisme et à la culture des années folles, avant d’être un effroi devant les années noires.


L
a mise en scène est mini­male : devant des parois noires, le nar­ra­teur s’exprime sobre­ment, pre­nant seule­ment par­fois la pose de l’écrivain se reli­sant, sem­blant peser ses phrases. L’illustration musi­cale est presque inutile. C’est l’intérêt du texte qui est d’abord mis en exergue : hymne à la liberté, à la paix, à l’humanité ébran­lée sinon déchue par les gouffres dans les­quels l’ont pré­ci­pi­tée ses excès. L’expérience de la mons­truo­sité est res­ti­tuée de façon pro­saïque, comme si la bana­li­sa­tion du pro­pos visait à le rendre d’autant plus troublant.

C’est la mon­tée du tota­li­ta­risme for­mu­lée à hau­teur d’homme, dans la quo­ti­dien­neté d’une vie sur le fil de l’abîme. Jérôme Kir­cher prend la posi­tion d’un conteur inti­miste, qui s’approprie son texte pour le rendre sen­sible au public : il n’est pas dans le jeu, mais dans la mani­fes­ta­tion de la sen­si­bi­lité et du trouble. La force de la can­deur face aux failles de l’horreur.

chris­tophe giolito

Le monde d’hier

De Ste­fan Zweig

Adap­ta­tion : Laurent Seksik

Dis­tri­bu­tion : Jérôme Kircher

©Pas­cal Victor/ArtComArt

Adapté du texte ori­gi­nal Le Monde d’Hier

Edi­tion Les Belles Lettres (2015) – Tra­duc­tion Jean-Paul Zimmermann

Mise en scène : Patrick Pineau et Jérôme Kircher

Scé­no­gra­phie et Lumières : Chris­tian Pinaud

Musique : Michel Winogradoff

Col­la­bo­ra­trice à la mise en scène : Valé­rie Negre

Au théâtre des Mathu­rins, 36, rue des Mathu­rins, 75008

Réser­va­tions 01 42 65 90 00 http://www.theatredesmathurins.com/spectacle.php?id=349

Du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 15h.

 

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