Hélène Damville crée des présences qui n’habitent pas toujours le corps mais le tiennent en vie — entre flux et déplacement — comme si celui-là, et à lui seul, ne pouvait se suffire. L’artiste cerne la complexité de l’être : le désir et la mort, le masculin et le féminin, sans souci de leçon. Existent des approches, des attentes, des montées, des descentes dans divers circuits de reprises, de circulations et d’articulations. Le dessin porte atteinte au vide par espoir de fusion. Demeure néanmoins le risque de l’abîme au sein d’un mouvement vers un assemblage peut-être impossible.
L’apparition est trouble, confuse, sexuelle. Pas de lumière : au mieux, le noir (sur le blanc), l’os est mis à nu afin qu’il devienne un peu moins noir par ce qui s’érige : fragments de corps suspendu, bouche sans lèvres, phallus sans corps. Le désir semble pouvoir se rattraper mais le doute subsiste. L’œuvre capte surtout la latence, le creux. L’image n’est donc plus un simple croire voir mais un déboîtement, de reprises en reprises, en divers danses et envols macabres ou vitaux.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’idée du café.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je vis toujours avec, en plutôt bonne harmonie.
A quoi avez-vous renoncé ?
Pour l’instant à rien !
D’où venez-vous ?
C’est une bonne question.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Une bonne partie de ma vocation, beaucoup d’amour… J’ai eu de la chance.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Je n’associe pas le plaisir à quelque chose de petit, y compris (surtout) s’il est fugace.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Cette même chose qui distingue toute personne d’une autre.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Je pense que c’est la Dame à la licorne au musée de Cluny, pendant une visite avec mon père quand j’étais petite.
Et votre première lecture ?
« Ernest et Celestine » (de Gabrielle Vincent) . Plus tard Colette, les Claudine notamment (pas vraiment pour les enfants d’ailleurs), Maurice Leblanc et Arsène Lupin (dont j’étais amoureuse). Et bien sûr Gaston Lagaffe.
Pourquoi votre attirance pour une formulation particulière de l’éros ?
C’est embarrassant. Moi ça me paraît assez naturel… Il est partout dans les formes que prend la nature, c’est fascinant. Je laisse simplement se traduire cette présence — non sans allégresse c’est certain !
Quelles musiques écoutez-vous ?
Beaucoup de choses différentes. J’écoute énormément de musique en travaillant et j’adore en découvrir.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Etty Hillesum en édition complète que j’ai toujours près de moi. “Les lettres à un jeune poète” aussi.
Quel film vous fait pleurer ?
Je pleure vraiment très facilement devant un film alors je ne pourrais pas en citer un en particulier.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
C’est bien précisément ce que je me demande.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A beaucoup de monde en fait.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
La campagne de mon enfance.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Je vais en oublier évidemment. Hans Memling, Rogier Van der Weyden, Henry Moore, Cécile Reims, Etty Hillesum, Jules Supervielle, Antonin Artaud, Fiodor Dostoïevski, Leon Tolstoï, Franz Schubert…
C’est pas évident et assez prétentieux de les envoyer comme ça, pêle-mêle. Il y a aussi amis et famille que j’ai la joie de connaître, tous artistes à leur manière, qui dans un sens sont certainement les plus proches.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
“Qui” : tous ceux qui me sont chers.
Que défendez-vous ?
Heu, c’est très facile à dire et assez pompeux mais disons une certaine idée de la liberté, une forme d’exigence et de responsabilité
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
J’ai beau me concentrer, ça m’inspire surtout qu’en la matière je ne me pose pas autant de questions.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
C’est le serpent qui se mord la queue !
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Vous avez oublié de me poser une question ? Héhé.
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 27 avril 2016.