Empreinte de poésie et de recherche plastique, l’œuvre d’Araki repose sur une expérimentation incessante. Les codes et stéréotypes du médium comme celui de l’érotisme et du bondage sont revisités par l’artiste qui, parfois, intervient sur ses propres négatifs ou recouvre ses images de calligraphies ou de peintures, dans un geste audacieux, souvent teinté d’humour. Même en fragment, le corps échappe au morcellement. C’est un réservoir d’images cérémonielles mais où l’être décline la posture de se retrouver en simple représentation.
Araki crée des hybrides dont le tangage excède la dissémination. La femme y « involue » et évolue tout à la fois. Cachés, les visages s’illuminent. Le désir s’image sans pour autant qu’Araki en fasse des tonnes. Pour scénariser ses modèles comme pour les shooter, le geste est parfait. Poses et prises créent moins rêve et fantasme qu’elles ne sollicitent l’imaginaire.
Fidèle à tout une tradition japonaise, Araki cherche le réel du rien et dans le rien le retour du geste qui touche. Le corps et sa prise deviennent la magie du réel. Lèvres entr’ouvertes, les corps semblent parfois nous comprendre comme ils comprennent une forme d’amour, de communauté, d’entente tacite. Il en va de même lorsque les fleurs trop ouvertes laissent suinter une humidité.
Tout cela demeure trouble et fascinant. L’œuvre reste le véritable journal intime ce celui pour qui « photographier est avant tout une façon d’exister ».
jean-paul gavard-perret
Jérôme Neutres, Araki Nobuyoshi, Editions Gallimard / musée national des arts asiatiques – Guimet, 2016, 304 p. –39,90 €.
Exposition au Musée Guimet du 13 avril au 5 septembre 2016.