L’érotisme, l’humour, la lumière créent l’exhibition fiévreuse non seulement de la femme mais du langage photographique. Jouant parfois la prêtresse « démoniaque », l’artiste, telle la Madame Edwarda de Bataille, intime un ordre au voyeur : « tu dois regarder, regarde ». Mais il ne faut pas se tromper : les œuvres sont une invitation à nous dévisager et à nous déchiffrer.
Toutefois, l’œuvre ne cherche pas la communication d’un secret mais la communion dans le secret de l’incommunicable. L’œuvre met en scène l’intime pour qu’il résonne d’un écho transgressif. En ce sens, l’artiste reste fidèle à ce que Valéry écrivait dans Littérature : « Le meilleur ouvrage est celui qui garde son secret le plus longtemps ».
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Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Mes “félins” Lula Mae Weiss et Harry John Weiss s’agitant de manière incessante dans l’attente du petit-déjeuner.
Que sont devenus vos rêves d’enfants ?
Je les ai conservés pour m’exprimer de la manière la plus créative possible et pour achever la compréhension de cette expression.
Qu’avez-vous dû abandonner ?
Je ne peux pas dire que j’ai dû abandonner quelque chose. Je pense que certains pourraient dire que je n’ai pas eu de famille traditionnelle et des enfants. Mais c’est bien plus un choix. Je n’ai pas de regrets.
D’où venez-vous ?
De Philadelphie. Mais je vis depuis si longtemps à New-York que je suis vraiment d’où j’habite : Brooklyn et Montauk sont les maisons de mon être, de mon âme.
Quelle est la première image dont vous vous souvenez ?
Je ne m’en souviens pas. En tant qu’adulte ? « Wind Fire — Thérese Duncan » par Edward Steichen.
Et le premier livre ?
« Le Tambour » de Gunther Grass.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ? (ci-contre Photo par Eva Weiss “The Kiss/ Butch-Femme” : Lois Weaver & Peggy Shaw.)
La lumière, l’érotisme et l’humour.
Où et comment travaillez-vous ?
Dans mon atelier avec la lumière de ma fenêtre sur le côté. Ou dans tous les lieux que j’aime.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A mes anciens amours qui ne voulaient pas m’entendre ou que moi je ne voulais pas entendre.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Du Jazz — Monk and Miles — Sarah Vaughn et Cecile McCorin Salvant, Johnny Hartman, John Coltrane et Anita O’Day
Quel livre aimez-vous relire ?
« Lolita » de Nabokov.
Quand vous vous regardez dans votre miroir qui voyez-vous ?
Quelque fois quelqu’un que je ne vois pas, parfois quelqu’un que je ne reconnais pas, parfois je vois ma mère et parfois mon père.
Quel lieu a valeur de mythe pour vous ?
Le lieu le plus mythique pour moi est la propriété de Grey Gardens (comme le film du même nom). J’ai eu la chance d’y aller deux fois pour faire des photos. Il y a toujours une atmosphère hantée par des femmes de la famille Beale. « Little » et « Big » Edie Beale, cousine et tante de Jackie Kennedy.
Quel(le)s sont les artistes dont vous vous sentez la plus proche ?
Bette Davis — Billie Holiday — Amy Winehouse — Frida Kahlo — Eugene Atget -” Spilt Britches”.
Quel film vous fait pleurer ?
Enfant, c’était le film de Douglas Sirk « Mirage de la vie ». Maintenant, c’est dur de le dire, principalement car je regarde surtout des « films noirs » (en français dans le texte – n.d.l.t.). Et ils ne me font sûrement pas pleurer. Mais ils doivent m’inspirer et ils inspirent mes photographies. Comme le fait le jazz.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Tous mes amis et ma famille dans une grande ferme sur un lac dans les Fingerlakes pour une semaine.
Que vous inspire la phrase de Lacan: “Aimer c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas” ?
Je ne suis pas tout à fait certaine de comprendre ce que ça veut dire. Je ne pense pas que je voudrais donner quelque chose à quelqu’un qui n’en veut pas. Je ne suis pas certaine que cela soit de l’amour. Mais après tout, que sais-je de l’amour?
Et celle de W. Allen: “La réponse est oui mais quelle était la question ?”
Oui ! Mais non. Je ne voudrais pas répondre oui à toutes les questions. Ce qui compte, c’est ce que la question implique.
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret, traduction lara gavard-perret, pour lelitteraire.com, le 24 avril 2016.