D’ Alma mater (AEncrages & Co, 1986) et de La femme poussière (Manya, 1992) à Sortir du trou (dessins de Jean-Claude Terrier, L’Atelier contemporain, 2016), s’il y a près de trente ans, demeure en même temps un seul pas. La poétesse et comédienne revient à une interrogation déjà présente dans un autre de ses livres (Manger la terre) : « nous aurions préféré n’être pas, nous aurions préféré remonter dans le ventre maternel, y remonter jusqu’au tréfonds, jusqu’au flottement amniotique et plus loin encore, jusqu’à la séparation de l’ovule et de l’autre, retourner aux origines, aux limbes inconscients, n’être pas, n’avoir jamais été, nous aurions préféré l’amnésie, l’absence pure où nous n’étions rien, nous aurions préféré n’avoir pas à préférer ».
Mais ici ce choix qui n’en est pas un devient une obligation que la poétesse résume de la manière suivante : « Parfois, on se dit qu’on est au fond du trou. Et si c’était vrai ? Si on se trouvait soudain au fond d’un trou opaque et noir, dans une absolue solitude ? Un trou bien réel mais tout à fait inexistant, un trou comme une grotte originelle, une matrice sans forme, une oubliette ? ». Face à cette situation – ou cette impasse –, il s’agit pourtant de faire surface, en sortir, se retrouver, exister avec la cervelle et corps. D’où la question : comment faire pour en sortir ?
Celle qui longtemps « rêva » de s’effacer du monde, de ses contingences, des rapports sociaux, du corps, des mots ne recherche plus une telle ascèse. Avec le temps, elle s’accepte, s’ose et persévère dans un travail de résurgence, de recomposition en retrouvant un sens de la « tribu » comme de celui de ses mots. Le livre accepte le flux du langage, il accepte la vie non sans lucidité mais aussi jubilation. Il ne s’agit plus de demeurer caché dans les combles de « la maison de l’être » mais de renifler l’odeur du dehors et de l’autre. Bref, d’accepter le risque de la vie et de se jeter sur elle dès que le jour s’approche. Et même avant.
Pour faire surgir l’énigme de l’être et du monde, il faut sortir du noir et avancer dans l’inconnu en un “ je ” qui ouvre son regard, franchit l’horizon des profondeurs, passer d’un espace clos à un espace ouvert. Dans la fragmentation, la césure, surgit désormais une étrange harmonie. S’y concentrent le dehors et le dedans. Le silence s’ouvre à l’intime infinité de ses possibles qui jouent dedans. Le noir, la lumière et leurs jointures deviennent notre centre décalé.
jean-paul gavard-perret
Odile Massé, Sortir du trou, dessins de Jean-Claude Terrier, L’Atelier contemporain, 2016, 88 p. — 15,00 €.
Ce nouveau recueil est un véritable chef d’oeuvre d’écriture en même temps qu’un psycho-guide pour qui cherche à sortir de la déséspérance