Cécile Hug : exercices de pudeur
Cécile Hug crée un monde de l’ébauche, de la suggestion : il s’agit de toucher sans toucher, loin de toute coquetterie et pruderie mais avec tact. Tout est de l’ordre de l’écharpe et de la mesure. Les aiguillons du désir sont retenus. Le Phèdre de Platon est là en filigrane. La beauté a toujours quelque chose de transcendant, loin du « joli » ou du charme. L’immanence est suggérée, l’harmonie aussi. Il existe du lointain dans le proche. La partie suggère le tout, comme la suggestion maîtrise la tension.
L’incarnation est secondarisée afin que l’émotion soit plus forte en ce qui tient d’un cérémonial. Lequel intellectualise la pulsion. Demeure un trouble, une oscillation. Ce qui se découvre est pudique : ce qui ne veut pas dire que le corps a honte de ce qui l’anime. Il s’agit simplement de montrer plus en montrant moins (ou peu), en créant entre l’œuvre et le regardeur un lien subtil. Dès lors, plus que de pudeur, il faut parler d’une manière de sublimer les émotions.
Cécile Hug crée une incarnation qui, à l’excès, préfère la litote, l’euphémisme. Certaines parties ou lieux du corps deviennent une cristallisation et l’émulsion de ce qui demeure « hors-champ ». Le désir est suggéré « par défaut », par refus d’obscénité comme de pruderie. La vision reste téméraire : car le retrait n’est pas lâcheté mais signifiance plus prégnante. Face à l’apparition qui entraîne la comparution, la créatrice ne joue pas la coquette : elle crée une poésie de l’Eros en une série de variations sur la féminité la plus intime et met du sentiment sans jouer les sentimentales.
jean-paul gavard-perret
Cécile Hug, exposition, Galerie Anne Perré, Rouen, du 12 mais au 30 juin 2016.