Portrait du poète en strip-diseur
Pour André Balthazar (1934 — 2014), l’Imaginaire n’en finit jamais avec la vie, avec le monde, avec la magie et l’avènement du possible. C’est pourquoi ses contes sont à rebours : ils ne sont pas là pour cacher l’irréalité de l’être mais afin de lui donner bien plus qu’une virtualité de lumière.
La poésie du surréaliste belge garde une force paradoxale, elle reste en action et devient capable de suggérer bien plus que ce que les dessins de Josse Goffin ne peuvent qu’illustrer : une montée en puissance d’une écriture qui se moque de toute captation identitaire.
Ceux qui prennent les Annie Ernaux pour le nec plus ultra de l’écriture resteront sur leur faim. Ils n’auront pas compris que la grandeur de la littérature passe par un devenir impersonnel, moléculaire rendu à la puissance affirmative de l’être en ce qu’il est le plus souvent : l’ombre de lui-même.
L’œuvre de Balthazar permet de le cerner en ce qu’on pourrait appeler une saisie différentielle en un seuil limite de visibilité mais où, paradoxalement, on voit mieux là où il y a plus de poissons sans mer que de mères sans poison.
A l’autofiction toujours décadente, son voyage autour de soi-même et sa conception du minimum littéraire, préférons cette poésie mise à nu par son strip-teaser. Il omet de mettre ses mots à l’unique service de lui-même et, en conséquence, ne nous emmerde jamais avec un principe de choses dites vues et tenues pour des réalités premières et plénières.
jean-paul gavard-perret
André Balthazar, Contes à rebours, dessins de Josse Goffin, Le Daily Bul & Co, La Louvière, Belgique, 2016, 94 p. — 22,00 €.