Gérard Chaliand, Pourquoi perd-on la guerre ? Un nouvel art occidental

L’Occi­dent et son art militaire

Pour­quoi l’Occident perd-il toutes les guerres qu’il mène depuis la fin de la Seconde Guerre mon­diale, lui qui a conquis et dominé les trois quarts du monde ? La ques­tion est excel­lente et la réponse qu’apporte Gérard Cha­liand est d’une grande lim­pi­dité. Les Occi­den­taux, du XVIe siècle au début du XXe siècle, ont fondé leur supé­rio­rité, certes, sur la puis­sance de leur arme­ment mais ils ont su aussi pro­fi­ter d’autres fac­teurs : la divi­sion de leurs adver­saires, l’indifférence de leur opi­nion publique pour des conflits loin­tains n’impliquant pas les sol­dats du contin­gent, leur puis­sance démo­gra­phique et sur­tout leurs connais­sances pré­cises de la culture de l’adversaire, notam­ment de la part des officiers.

Puis, après 1945, un grand bas­cu­le­ment s’opère. Epui­sés par les guerres mon­diales, les Occi­den­taux peinent à l’emporter sur des indé­pen­dan­tistes qui ont par­fai­te­ment inté­gré les valeurs occi­den­tales (dès la deuxième et sur­tout la troi­sième géné­ra­tion). L’idéologie (à l’époque marxiste-léniniste ou socia­li­sante) consti­tue un fac­teur puis­sant car « c’est moins le contenu de l’idéologie qui importe que la moti­va­tion totale que celle-ci pro­voque ». Mais trois élé­ments sont bien mis en valeur : l’efficacité de la tech­nique lénino-marxiste de persuasion/coercition qui trans­forme la gué­rilla en guerre révo­lu­tion­naire (de Mao aux tali­bans, les consé­quences sont les mêmes !) ; l’effet cor­ro­sif exercé par les opi­nions publiques sur­in­for­mées et hos­tiles aux guerres d’usure ; et enfin l’ignorance des déci­deurs qui ignorent tout de la culture de l’adversaire, qu’il soit viet­na­mien, afghan ou ira­kien, d’où l’impossibilité de vaincre sur le ter­rain mili­taire et de construire un Etat.

Aujourd’hui, la plus grande fai­blesse des Occi­den­taux réside, selon Gérard Cha­liand, dans leurs opi­nions publiques « de plus en plus fri­leuses et vieillis­santes » et « fra­gi­li­sées par des médias qui vendent quo­ti­dien­ne­ment de l’angoisse ». Si l’on ajoute à cela, les effets psy­cho­lo­giques dévas­ta­teurs du ter­ro­risme (à moins qu’il ne réveille les consciences ?) et « l’armée de réserve » dont l’Etat isla­mique dis­pose « au sein d’une par­tie de la jeu­nesse », on peut craindre l’avenir…
Pour­tant, l’histoire n’est pas écrite. Les peuples peuvent se réveiller et trou­ver des gou­ver­nants capables de les mener à la vic­toire. Rien n’est irréversible.

fre­de­ric le moal

Gérard Cha­liand, Pour­quoi perd-on la guerre ? Un nou­vel art occi­den­tal, Odile Jacob, mars 2016, 174 p. — 21.90 €.

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