Yana Vagner, Le Lac

Huis clos hale­tant entre neige et glace

Nous avions quitté les per­son­nages de Yana Vagner (entre­tien ici) dans Von­go­zero  par­ve­nus au terme de leur angois­sant périple jusqu’aux rives du lac Von­go­zero. Rap­pe­lons qu’ils fuyaient une épi­dé­mie aussi mys­té­rieuse que dévas­ta­trice et sem­blait rava­ger la Rus­sie, voire le monde entier. Dans Le Lac, ils se sont ins­tal­lés dans un envi­ron­ne­ment hos­tile – une cabane sur un îlot, en plein cœur d’un hiver gla­cial, avec pour toutes res­sources ce qu’ils par­viennent à pécher sous la sur­face gelée du lac.
Précisons-le tout de suite, même si le lec­teur y gagnera en ayant lu Von­go­zero, Le Lac peut très bien se lire indé­pen­dam­ment. Le road movie effréné et angois­sant du tome un laisse place ici à un huis clos plus psy­cho­lo­gique où la nar­ra­tion exprime avant tout les ten­sions inhé­rentes à un groupe de per­sonnes sans affi­ni­tés par­ti­cu­lières, recluses dans un lieu étri­qué et cer­nées par un dan­ger omni­pré­sent. On retrouve Anna, la nar­ra­trice, condam­née à sup­por­ter une coexis­tence avec entre autres l’ex de son mari, le gar­çon­net né de cette union et deux couples qui lui tapent tout autant sur les nerfs.

Yana Vagner excelle à noter les ins­tants où, der­rière un silence, une neu­tra­lité de façade, appa­raissent les mes­qui­ne­ries, les ten­sions sous-jacentes et les tra­vers de cha­cun, la nar­ra­trice y com­pris, qui n’est pas dénuée de défauts. C’est l’une des grandes prouesses de ce roman que d’avoir réussi à bâtir un récit aussi pre­nant à par­tir d’une situa­tion aussi sta­tique. Cela étant, n’allez pas ima­gi­ner que l’ennui subi par les per­son­nages se com­mu­nique au lec­teur, car il y a aussi des ren­ver­se­ments de situa­tions, dont le carac­tère inat­tendu ou bru­tal n’enlève rien à la vrai­sem­blance.
Chaque épi­sode a sa rai­son d’être propre, et ne sau­rait se résu­mer à un simple pro­cédé nar­ra­tif. Le lec­teur les admet tous sans sour­ciller et tourne les pages avec le sen­ti­ment réjouis­sant d’être embar­qué dans une intrigue menée de main de maître. Encore une belle trou­vaille des édi­tions Mirobole.

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agathe de lastyns

Yana Vagner, Le Lac, Miro­bole, février 2016, 412 p — 21,90 €

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Filed under Pôle noir / Thriller

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