Charles Hesperger : un si petit monde
Dans un précis de dissociation et en ces XXXversXXXions, Charles Hesperger crée une “fiction” aussi distanciée que corrosive. L’auteur, fils de l’ombre et de sa mère, met à nu l’hypocrisie fondamentale du monde académique qui, “pour lustrer son prestige, joue l’ouverture mais impose et reconduit les diktats de son conservatisme, de sa soumission”. Mais il fait plus et son récit déconstruit habilement l’amour, ses attentes, ses échecs sans vraiment imaginer la suite.
Surgit un présent antérieur avec humour et sans la moindre condescendance pour celui qui l’écrit de manière très particulière : selon une forme de blancheur volontairement sournoise et amusée (vis-à-vis de lui-même presque plus que des autres). L’auteur explore de fait l’irréalité de son corps et de ce qui lui arrive même si, d’une certaine manière, tout reste sous contrôle. Si bien que la fin de l’amour peut être aussi une délivrance dans le sentiment d’un devoir accompli — ce qui est une performance.
Le narrateur n’est dupe de rien : ni de son milieu, de ses collègues, de son amour et même de son corps. Existe une affirmation dont la légitimité est celle de l’humour omniprésent. Parlant de ses interventions universitaires, l’auteur précise qu’on les tient pour ” bienvenues, intéressantes, décoiffantes” même si, de fait, au nom d’une autre ligne idéologique, elles sont de facto considérées comme nulles et non avenues.
L’auteur n’en fait pas une choucroute. Comme de son amant disparu. Tout, du côté de l’intellect comme du sentiment, finit par reconduire les diktats du conservatisme et des pouvoirs moins éclairés, plus rusés et redoutables auxquels, d’une certaine manière, l’auteur semble se soumettre. Mais méfions –nous : même froid, le poisson bouge encore la queue.
jean-paul gavard-perret
Charles Hesperger, XXXVERSXXIONS, art&fiction, coll. Sushlarry, Lausanne, 2016, 100 p. –14, 90 CHF, 12,00 €.