Celle qui vient d’une sablonnière flamande : entretien avec Laurette Massant, reine sans divertissement

Pour Lau­rette Mas­sant (Salo IV: http://www.lelitteraire.com/?p=21038), l’art est tout sauf un diver­tis­se­ment. C’est sur­tout un long che­mi­ne­ment et une médi­ta­tion où l’hybridation (ce que l’artiste nomme aussi « cross-over ») reste la pra­tique artis­tique en elle-même et par excel­lence. Fon­dée sur la pen­sée de René Girard, l’oeuvre « image » trois concept : le tan­gage, l’unité et la dis­sé­mi­na­tion. Fron­tières, limites, seuils sont explo­rés jusque dans les effa­ce­ments comme par effets de châsse et de recol­lec­tions intem­pes­tives au moyen de l’art vidéo, la per­for­mance, le des­sin, les ins­tal­la­tions. L’artiste belge remonte bien des his­toires col­lec­tives et per­son­nelles, phi­lo­so­phiques et esthé­tiques. Elle reste le plus tota­le­ment pos­sible dans le monde mais dans le même temps elle cherche sa mise à dis­tance dans sa quête esthé­tique et existentielle.

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Ce qui me réveille : l’odeur du café, le bruit de la rue, le chant des oiseaux, la son­ne­rie du réveil, la musique, etc.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Je les trans­porte à tra­vers mon regard d’enfant. Ils me font devenir.

A quoi avez-vous renoncé ?
J’ai renoncé au mal.

D’où venez-vous ?
Mas­sant pro­vient de Maas qui veut dire Meuse et zand qui veut dire sable. Je viens d’une sablon­nière flamande.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
L’amour, l’agape.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Pas quo­ti­dien mais plai­sir véri­table : un verre de vin blanc, après une épreuve, avec une amie.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
Ce qui me dis­tingue, je pense, est mon enra­ci­ne­ment pro­fond dans la pen­sée de René Girard et ce besoin de sources théo­lo­giques. L’image ne parle pas car elle est objet c’est pour­quoi je crois que je crée une grille de lec­ture plus que des œuvres d’art. Ce n’est pas l’image en elle-même que je tra­vaille mais l’entre-deux, l’intervalle, le pas­sage, la communion.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Un des­sin noir et blanc, du sym­bo­lisme maçon­nique, de Roger Som­ville. Cela devait être un A3. Ma mère le plaça dans les toi­lettes du rez-de chaus­sée sur un mur rose pastel.

Et votre pre­mière lec­ture ?
J’hésite entre : Les mal­heurs de Sophie, Les contes de la Rue Broca et Les his­toires du Petit Vam­pire.

Com­ment définiriez-vous votre approche du l’hybridation ou du “cross-over” ?
Il s’agit de « tra­ver­ser (Over) la croix (Cross)» : relire et relier les figures arché­ty­pales du désir au tra­vers d’une grille de lec­ture qui repose sur un car­dan — du latin cardo : char­nière, pivot– une pièce grâce à laquelle les choses tournent.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Essen­tiel­le­ment de la chan­son à texte.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
“La Conju­ra­tion des Imbé­ciles”. John Ken­nedy Tool.

Quel film vous fait pleu­rer ?
“Ordet” (La Parole) de Carl Theo­dor Dreyer, 1955.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une femme marquée.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
À la police.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Flo­rence, Ita­lie — Basi­lique Santa Croce.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Gior­gio Agam­ben, René Girard, Michel Serres, Fabrice Had­jadj, Aby War­burg, Pier Paolo Paso­lini, Zoë Tamer­lis Lund, San­dro Bot­ti­celli, Georges Bras­sens, Alain Cava­lier, Oli­vier Smol­ders, Georges Didi-Huberman, Roland Barthes, Dan Gra­ham, Richard Wag­ner, Fio­dor Dos­toïevski, Michael Powell et Eme­ric Press­bur­ger, Ernest Pignon-Ernest, Edwin Fagel, Louis-Marie Gri­gnion de Mont­fort, Hil­de­garde de Bin­gen, Thé­rèse de Lisieux, Etty Hil­le­sum, Edith Stein, Glo­ria Stei­nem, Julie Delpy, Nas­tassja Kinski et d’autres qui ressurgissent.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
J’aimerais rece­voir à dîner cer­tains amis à qui je pense par­fois et qui me manquent.

Que défendez-vous ?
Le che­mi­ne­ment, la recherche de la grâce, le mou­ve­ment et la sédi­men­ta­tion, la condi­tion humaine.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
L’amour, c’est la source de vie. On se ren­contre quand on puise l’eau. Cherche la source et tu auras soif.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Le oui ne doit pas être com­pris comme défi­ni­tif car la réponse appelle la question…

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
En ce moment, quel livre lisez-vous ?

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 4 avril 2016.

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