Comme le dit la chanson, il y eut un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Celui de la crise violente et profonde traversée par l’Eglise catholique dans les années 1970–1980, celui de l’abandon des processions, de la confession, des adorations eucharistiques, des liturgies sacrées et dignes. Celui pendant lequel les catholiques crurent que la stratégie de l’enfouissement dans la société leur permettrait de mieux la convertir, avec comme résultat d’avoir disparu aux regards de leurs contemporains. De là est né un véritable complexe à se dire catholique, ou tout simplement chrétien.
Cette époque, lentement mais sûrement, agonise sous les yeux ébahis d’une génération qui a échoué et voit monter la suivante, nourrie des enseignements de Jean-Paul II et de Benoît XVI, celle qui a entendu la parole : « N’ayez pas peur ! ». Le stimulant livre de l’abbé Pierre-Hervé Grosjean constitue une manifestation de ce changement profond qui touche le catholicisme.
« Engageons-nous ! ». C’est le cri lancé par le père Grosjean. Après avoir dressé un constat réaliste mais non désespéré de la terrible situation de l’Eglise catholique en France, il met en garde contre deux tentations, celle de la dilution dans la société actuelle et celle du ghetto. Dans les deux cas, le catholicisme ne survivrait pas. Non, bien au contraire, il faut agir, s’engager dans le monde sans jamais oublier qu’un chrétien n’est pas de ce monde et que l’Eglise est un signe de contradiction. D’accord pour faire les compromis nécessaires sans jamais accepter des compromissions impossibles.
L’ouvrage est un appel à la mobilisation générale des catholiques. Aucun domaine ne doit leur échapper : la culture, les médias, les écoles, les groupes de réflexion et autres think tanks, afin d’irriguer la société de leurs valeurs. Ils doivent en outre s’unir au-delà de leurs divergences, et ce autour des points non négociables définis par Benoît XVI. Tous portés par la foi, la prière, les sacrements et les prêtres, ils doivent aller au devant de leurs adversaires pour discuter, négocier, convaincre.
L’abbé Grosjean ne cache pas l’impérieuse nécessité pour les jeunes gens de conquérir des postes de responsabilités, de s’engager en politique, bref d’être ambitieux car toute ambition personnelle est noble. Tout dépend bien sûr au service de quelle cause on la met ! Celle du catholique est de servir le bien commun. Donc, pas d’hésitation !
La sauvegarde de l’identité catholique est essentielle. On le comprend au fil des pages. Non pas dans un sens fermé mais afin de construire un roc sur lequel s’appuyer dans la tempête. D’où l’importance cruciale des écoles catholiques. L’abbé Houart, grand fondateur d’institutions d’enseignement, avait coutume de dire : « A ma table tout le monde peut venir manger mais c’est moi qui décide du menu. » Vérité élémentaire trop souvent négligée. A cela s’ajoute le rôle majeur joué par les évêques qui doivent indiquer le chemin.
Avec son sens consommé de la formule, l’abbé Grosjean touche le cœur et l’esprit. Le lecteur découvrira vite qu’avec lui il n’est pas question d’eau tiède. “Un christianisme adapté et consensuel ne sauvera personne” écrit-il. La situation ne le permet pas de toute façon. Le catholicisme européen vit un tournant de son histoire. Comme l’a montré Jean Sévillia dans son étude sur La France catholique, le terrain est fertile pour une reconquête spirituelle. C’est aux humbles ouvriers qu’il convient désormais de travailler dans la vigne. Mais qu’ils le fassent avec la conscience qu’« il n’y a pas de batailles sans blessures, ni de victoires sans combats. »
frederic le moal
Pierre-Hervé Grosjean, Catholiques, engageons-nous !, Artège, février 2016, 192 p. — 14,00 €.