Une belle histoire de la Fronde
La Fronde est sans aucun doute l’évènement historique le plus compliqué et en fait réalité le plus mystérieux de l’histoire de l’Ancien Régime. On lira donc avec grand intérêt le livre à la fluide et dense de Jean-Marie Constant.
Selon l’auteur, l’origine de cette révolte aux multiples visages réside dans le coup de majesté opéré par Louis XIII contre sa mère Marie de Médicis et le favori de celle-ci, Concini. Une fois écartés du pouvoir ces partisans de la paix avec l’Espagne, le jeune roi s’engage dans une politique de guerre qui le conduit à pressurer la société française d’impôts pour la financer et à écarter de son chemin tous les obstacles s’opposant à son autorité qu’il veut absolue. Il trouve dans le cardinal de Richelieu l’implacable exécutant de ce dessein.
C’est donc contre cette pression insoutenable que de larges secteurs de la société (noblesse, paysannerie, bourgeoisie) se soulèvent une fois les illusions de la régence envolées. En effet, les espoirs mis en Anne d’Autriche pour un abandon de la politique de Richelieu et de Louis XIII ne résistent pas à la volonté de la reine de la poursuivre, aidée en cela par un autre cardinal, italien, plus souple que son prédécesseur, et néanmoins acharné à construire l’autorité absolutiste et à gagner la guerre contre l’Espagne.
Les Français espèrent donc une monarchie tempérée et plusieurs courants misent sur Gaston d’Orléans dont l’auteur trace un portrait tout en nuances. Mais rien n’y fait. Même le prince de Condé, pourtant en guerre ouverte contre Mazarin, soutient un système royal autoritaire.
Jean-Marie Cosntant nous écrit une époque romanesque. Car la Fronde n’est pas seulement une défense d’intérêts « partisans » ou catégoriels. Elle est aussi un combat littéraire où les grands nobles ont le sentiment de vivre les aventures des romans qu’ils lisent, avec un sens de l’amitié et de l’honneur qui ne leur fait jamais défaut. Ce livre nous entraîne dans un temps de violences où la France connaît un vrai tournant. La victoire royale l’engage en effet sur la voie de l’absolutisme, pour le pire et le meilleur.
Avec finesse, l’auteur décrit les acteurs connus et moins connus de la Fronde, en pénétrant leur psychologie si caractéristique du XVII° siècle empreint d’héroïsme et de réforme catholique. Princes et duchesses, cardinaux et souverains, parlementaires et bourgeois font et défont les alliances au gré des évènements, se manipulent les uns les autres, s’aiment et se haïssent.
Ce livre se lit avec un infini plaisir et permet de bien comprendre les dessous d’une révolte particulière.
Frederic le moal
Jean-Marie Constant, C’était la Fronde, Flammarion, janvier 2016, 397 p. — 25,00 €.