Un billet d’avion pour La Nouvelle Orléans : entretien avec l’artiste Alison Bignon

Les des­sins et gra­vures d’Alison Bignon ouvre aux plai­sirs de songes. Et ce, avant même qu’ils se lèvent ou après qu’ils se soient tus. A coups d’incision, de grif­fures, de lam­beaux de cou­leurs sur­gissent l’immense et l’intime, le ferme et le fluc­tuant, le fur­tif et l’évident. Cou­leurs aci­du­lées, fins tra­cés ; fau­fi­lés de cou­sette : tout devient fron­tière fra­gile. Les frag­ments de pré­sences, la sophis­ti­ca­tion du mini­ma­lisme créent un maillage et un cha­ri­vari.
Le pas­sage par la Corée a per­mis à la créa­trice de se mettre encore plus en har­mo­nie avec le raf­fi­ne­ment sub­til dont ses œuvres témoignent. Ses thé­ma­tiques fon­cières ont gagné en élé­gance incar­née dans une fuga­cité cyprine : des­sus, des­sous, côtés sont souf­flés d’une mou­vance conta­gieuse. Ali­son Bignon « sono­rise » l’air et les élé­ments qu’elle décons­truit. Ils sont empreints d’une éner­gie légère et d’une poé­sie cho­ré­gra­phiée par une tech­nique plas­tique déli­cate propre à sug­gé­rer bien des vertiges.

 Entretien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La peur que le temps file, et qu’il ne m’en reste plus assez pour faire ce que j’ai à faire.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfants ?
Ils sont tou­jours là. ils font même pour cer­tains par­tie de mon quo­ti­dien main­te­nant. Et heu­reu­se­ment j’ai aussi des rêves de grande.

A quoi avez-vous renoncé ?
A être ce qu’on atten­dait de moi.

D’où venez-vous ?
Fille de bou­lan­gers. métis­sage noir / blanc . Famille de fan­tai­sistes avec la tête sur les épaules.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
La valeur du tra­vail et l’intégrité.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Le plai­sir du mer­credi, faire des pâtis­se­ries avec mon père, et chan­ter du Bala­voine ( il nous arrive même de dan­ser en fait ).

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
J’admire les artistes parce qu’ils ont tou­jours l’air de savoir qui ils sont. Moi je suis un arti­san, ma presse c’est mon laminoir.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
« Agri­gente » de De stael, j’ai pleuré devant à 8 ans. Et je suis tou­jours autant émue main­te­nant. C’est peut être ça, l’expérience de l’oeuvre d’art ?

Et votre pre­mière lec­ture ?
Tout Roald Dahl. Parce que tout pou­vait deve­nir vrai, pour peu qu’on y croie.

Vous défi­ni­riez vous comme artiste fémi­niste ?
Artiste tout court

Quelles musiques écoutez-vous ?
La chan­son fran­çaise popu­laire, je la par­tage avec mes deux grands copains Camille Mora­via et Laurent Que­ne­hen. L’ opéra avec mon grand père, on n’en parle pas, on s’aime à tra­vers ça. Le jazz, c’est le truc qui me donne envie de tra­vailler tout de suite.

Que livre ailez-vous relire ?
Tout Faulk­ner, parce que je l’aime, et qu’à la fin de ma vie, j’aurai tou­jours pas tout compris.

Quel film vous fait pleu­rer ?
« Vir­gin sui­cides » de S. Cop­pola. Je suis res­tée blo­quée à l’adolescence.

Lorsque vous vous regar­dez dans votre miroir qui voyez-vous ?
Quelqu’un de flexible.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A Peter Brook, le magi­cien de l’esprit. J’ai vu « le cos­tume » et je vou­lais lui dire tout, tout, tout mais c’était une lettre avec trop de tout, je n’ai pas osé la pos­ter. ( je l’ai gar­dée, j’avais 16 ans )

Quel lieu a valeur de mythe pour vous ? La Nou­velle Orléans. J’y ai jamais mis les pieds mais j’en ai une idée bien pré­cise dans la tête. Un bon cli­ché qui fait rêver.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous seny­tez proche ?
Mar­gue­rite Duras, Isa­dora Dun­can, Louise Bour­geois, Syl­via Plath, Brecht, Kol­tès, Carole Fré­chette, Bar­bara, Camille Mora­via, Emily Brontë, Sally Mann, Car­son Mc Cullers, Emily Dickin­son, Toni Mor­ri­son, Cécile Reims. Juste je les aime, avec beau­coup de respect.

Que vou­driez vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Un billet d’avion

Que défendez-vous ?
Les petites his­toires à l’intérieur de la grande.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas
”?

C’est chiant comme phrase.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?” Je pré­fère le oui au non, de toutes façon.

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 20 mars 2016.

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