Chris Pavone, L’Accident

Une intrigue implacable !

À Man­hat­tan, la car­rière d’agent lit­té­raire d’Isabel Reed est der­rière elle quand elle reçoit un manus­crit ano­nyme de 488 pages. La lec­ture de ce texte est un choc. Il peut la relan­cer comme l’envoyer à la mort. Elle doit faire preuve de toute la pru­dence pos­sible, gar­der le secret sur cette bombe jusqu’à sa publi­ca­tion.
Hay­den, un atta­ché cultu­rel d’ambassade habi­tuel­le­ment basé à Ber­lin, traque l’auteur de cet écrit. Il est à Copen­hague avec Kate. Celle-ci sur­veille, depuis l’immeuble d’en face, un docu­men­ta­liste que des moyens d’espionnage ont repéré fai­sant des recherches sur lune per­sonne incri­mi­née dans le tapus­crit. Alexis, la proche col­la­bo­ra­trice d’Isabel, est ambi­tieuse. C’est elle qui, la pre­mière, a eu en mains le docu­ment. Un rapide sur­vol lui en a fait com­prendre l’importance. Elle a copié le pavé qu’elle a lu d’une traite, puis a com­mencé à livrer quelques bribes, comme le veut la cou­tume, pour appâ­ter.
Isa­bel compte sur un ami très proche, Jeff Fiel­der, qui semble être le seul capable d’éditer cette bombe, bien qu’il soit sur le déclin. À Zurich, l’auteur du manus­crit est en transes. Il a brouillé toutes les pistes mais vient de consta­ter qu’un pro­nom oublié, deux petites lettres risquent de le mener à la mort.
À Copen­hague, Hay­den apprend, par sa cen­trale, que des bribes d’informations sur le contenu du manus­crit cir­culent et que celui-ci a été copié. Il donne l’ordre de récu­pé­rer ce dupli­cata sans mettre les formes.
Camilla doit par­tir négo­cier des droits déri­vés à L. A. Elle veut refaire sa vie là-bas. Sur le bureau de Jeff, elle repère L’Accident, l’exemplaire confié par Isa­bel. Elle en a entendu par­ler, la veille, dans ce cock­tail où Alexis avait trop bu. Isa­bel perd son poste et quitte son bureau juste à temps, empor­tant de pré­cieux docu­ments. Elle se rend chez Alexis pour lui pro­po­ser de tra­vailler avec elle dans l’agence lit­té­raire qu’elle va créer. Par la fenêtre, elle aper­çoit la jeune femme bai­gnant dans son sang, un trou béant au milieu du front.

Appuyant son his­toire sur un dra­ma­tique fait divers, l’auteur bâtit un récit qui met en scène les milieux de l’édition, ceux de l’information et les rap­ports entre­te­nus avec l’univers des poli­tiques aux affaires. Il expose les moyens d’action dont dis­posent ces der­niers, avec les cen­trales d’espionnage, les offi­cines à l’existence dou­teuse et leurs tueurs intou­chables.
Il uti­lise la traque menée par des inves­ti­ga­teurs sur Inter­net, cette trame com­plexe et sur­in­for­mée où, en fait, tout est acces­sible et trans­pa­rent. Il esquisse la créa­tion et le fonc­tion­ne­ment de ces orga­nisme pri­vés, réa­li­sant des pres­ta­tions, à tra­vers dif­fé­rents filtres mas­quant les don­neurs d’ordre. Il expose, ainsi, les dif­fé­rents rap­ports entre les struc­tures offi­cielles ayant une exis­tence légale et ces struc­tures annexes mon­tées par des agents offi­ciels avec la béné­dic­tion, ou non, des res­pon­sables. Celles-ci ont une grande uti­lité pour, et c’est le cas dans ce thril­ler, trai­ter de situa­tions à la marge, étouf­fer la vérité.
Il orga­nise son intrigue comme une traque effré­née et donne une vision des moyens d’espionnage sophis­ti­qués et sys­té­ma­tiques uti­li­sables par ces struc­tures offi­cielles ou occultes. Il met ses per­son­nages en dan­ger, avec des risques qui peuvent pro­ve­nir de tous les côtés.

Pavone  invite à la décou­verte de tous les rouages du monde de l’édition, les liens entre les dif­fé­rents inter­ve­nants, de l’agent lit­té­raire aux édi­teurs secon­daires en pas­sant par tous les éche­lons dans ces agences. Il fait preuve d’une connais­sance appro­fon­die des rouages de cet uni­vers et de l’ambiance qui y règne. Il brosse un por­trait peu flat­teur de ce milieu où alcool et drogues coulent à flots, où les ambi­tions sont exa­cer­bées, où la lutte (que l’on retrouve dans d’autres sec­teurs) entre les dif­fé­rentes caté­go­ries de per­son­nels, entre les jeunes louves et loups et les qua­dras qui ont quelques réus­sites à leur actif, mais qui n’ont plus autant de suc­cès. La des­crip­tion n’est pas cari­ca­tu­rale et donne la mesure des dégâts que peuvent occa­sion­ner ces guerres fra­tri­cides. Il évoque éga­le­ment, à tra­vers cer­tains per­son­nages la muta­tion de l’information, tant dans les sup­ports que dans le contenu, un contenu de plus en plus appau­vri, gou­verné par l’immédiateté, sans recul, sans véri­fi­ca­tions même. L’information, en géné­ral, ne repose plus que sur le fait divers, des faits divers le plus sai­gnant pos­sible, sans trai­te­ment de fond des situa­tions, de leurs racines et de leurs causes.

Peu à peu, le manus­crit dévoile ses secrets. La trame de l’intrigue, les rebon­dis­se­ments, la pein­ture réa­liste de cer­tains milieux donnent à ce roman une tona­lité par­ti­cu­lière, une dimen­sion de thril­ler conju­guant une étude de moeurs par­fai­te­ment réussie.

serge per­raud

Chris Pavone, L’Accident (The Acci­dent), tra­duit de l’anglais (États-Unis) par Séve­rine Que­let, fleu­ve­noir, jan­vier 2016, 496 p. – 19,90 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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