Une étrange biographie
On le sait, un gros livre n’est pas forcément un bon livre.
La biographie de la reine Victoria de Joanny Moulin échappe-t-elle à la règle ?
Celle qui régna sur l’Angleterre pendant soixante-trois ans est fascinante à plusieurs égards, par sa personnalité, par l’époque dans laquelle elle vécut et à laquelle elle donna son nom. Très souvent caricaturée en une femme froide et austère, Victoria mérite une analyse scientifique rigoureuse.
Le choix de l’auteur s’est porté sur une biographie littéraire. Le lecteur est donc prévenu dès l’introduction que le livre « emprunte les formes de la fiction ». Certes, Joanny Moulin nous assure que les faits et évènements rapportés ont été vérifiés scientifiquement. On la croira donc sur parole en l’absence de toute note en bas de page, et de toute référence. Comme dans les romans, les chapitres ne sont pas titrés. Or l’histoire n’est pas de la littérature. C’est une science, pas une discipline.
C’est d’autant plus regrettable que la biographie ne manque pas de qualités. Le personnage de Victoria, bien replacé dans son époque, est décrit avec nuances. Le travail ne peut être taxé d’hagiographie. Les contradictions de la reine occupent une place centrale, ses défauts sont bien mis en lumière, sa psychologie même est décrite avec une certaine finesse. La place qu’occupent, dans la vie de la reine, son oncle Léopold de Belgique et surtout son mari, le prince Albert, travailleur acharné et génie bienveillant de la reine, est bien retranscrite.
L’historien ne peut toutefois qu’être mal à l’aise à la lecture de cette étude qui ne peut lui servir d’outil de travail, dont la lecture est rendue difficile par les constants va-et-vient entre récit des évènements politiques britanniques et étrangers et vie quotidienne de Victoria. D’autant plus que certaines erreurs ponctuent le récit, la palme revenant à la rencontre en 1888 entre la reine Victoria et les souverains italiens Humbert II et Marie-Josée (p.519) qui, nés respectivement en 1904 et 1906, ont régné sur l’Italie en 1946.
Serait-on en plein roman ?
frederic le moal
Joanny Moulin, Victoria, reine d’un siècle, Flammarion, avril 2011, 571 p.- 23,00 € |
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