Catherine Gil Alcala, La tragédie de l’Ane & James Joyce fuit…

Alice est bien ici

Parce que la vie res­semble par­fois à du Sha­kes­peare, Cathe­rine Gil Alcala reven­dique une écri­ture pul­sion­nelle. Elle met en exergue le gain d’une « dépense » par­ti­cu­lière par la fabri­ca­tion de pièces hir­sutes où l’auteur « ralen­tit et accé­lère au même moment ». D’où la folie d’un pro­ces­sus : le temps n’existe plus vrai­ment et le théâtre se trans­forme en poé­sie pré­sente.
Déga­gés de leur valeur d’usage, les mots comme les per­son­nages (le singe, le fakir, Méphisto, Mil­ler, Michaux, Jack l’éventreur, etc ) se retrouvent avec des fonc­tion­na­li­tés plus secrètes. Le poé­sie devient le seul moyen de les faire glis­ser de l’ombre à la lumière en des assem­blages exo­gènes. Les règles sont tri­tu­rées, les formes mani­pu­lées, les tech­niques et usages détour­nés. Corps, inti­mité, genre sont recon­si­dé­rés par un tra­vail de déri­sion mais aussi d’invocation. Tout devient autant en fusion qu’en impo­si­tion : le Léthé et le Styx se mêlent en une prose poé­tique qui cultive le para­doxe : « les enfers inté­rieurs égarent l’être d’un doute invin­cible ». La peau devient sable, les fileuses des ours. Existe une suite d’exercices de mons­truo­sité. Ils emportent le lec­teur là où se « fabriquent des sor­ti­lèges avec un peu de jus de mille étoiles d’Orion ».

On pense par­fois à Arra­bal ou au théâtre sur­réa­liste, puisque les pièces sont avant tout des sor­ti­lèges de mots aux seins culbuto, aux ou faux cils hame­çons. ils font de Cathe­rine Gil Alcala une irré­gu­lière de l’art. Elle trouve magni­fique l’idée que d’un seul geste, le monde se mette en branle. En consé­quence chaque pièce est elle-même « la » geste qui embrasse tout : le sexe, les fleurs, le temps, les miroirs et ce qu’il y a der­rière.
Qu’importe si « les cha­pe­liers fous » rêvent d’enfermer la dra­ma­turge dans un asile. En son théâtre, elle devient pièce elle-même. Elle regarde ceux qui sont entrain de la regar­der et leur fait entendre, entre farce et tra­gé­die, les cris de tur­pi­tude du monde tout en revi­si­tant les légendes dont les héros se retrouvent plus ou moins déca­tis. La créa­trice est aussi tous ses per­son­nages. Mais avant tout la Nou­velle reine, la Géante au nez de catin. Elle fait ingur­gi­ter aux hommes l’huile de ricin de sa prose indomp­table pour scé­na­ri­ser les hal­lu­ci­na­tions qu’ils n’osent pen­ser comme leurs rêves maniaques.

jean-paul gavard-perret

Cathe­rine Gil Alcala,  La tra­gé­die de l’Âne  & James Joyce fuit… , Edi­tions la Mai­son Brû­lée, Saint Mau­rice Saint Ger­main, 2016, 16,00 € et 13,00 €.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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