Une version alerte, profonde, un rien tapageuse et pourtant sensible du célèbre roman
Sophie Volanges surgit du noir, toute blanche et pleine d’ingénuité ; elle a le ton enjoué que lui donne son émancipation. Le jeu des comédiens se présente comme maniéré, favorisant l’expressivité des personnages, quitte à la rendre de façon un peu outrée. Le roman de Laclos est naturellement exposé sous forme de dialogue : Christine Letailleur en a repris toutes les adresses pour donner, au moyen d’un jeu de scène simple et dynamique, une belle vivacité à l’enchaînement des événements. Elle n’ajoute au texte de Laclos que quelques liants, de véritables banalités destinées à mettre en valeur le propos.
L’adaptatrice et metteure en scène use de transitions fluides, de chausse-trappes, emmenant le public au rythme des premières symphonies de Mozart et des sarabandes de Vivaldi. On se sert de la distance des personnages pour mettre en valeur leurs répliques, lesquelles leur donnent progressivement occasion de se rapprocher.
Une distribution efficace, emmenée par Dominique Blanc et Vincent Perez, allègres, truculents, un rien exubérants. De très jolis effets de scène ; la lumière, la musique et les bruitages sont mis au service d’une action rondement menée. Le spectacle a plusieurs strates, et profite des jeunes premiers, la petite Volanges et Danceny, ainsi que du chasseur, pour agrémenter le propos de scènes de comédie. Même les fameux principes de la lettre LXXXI trouvent à s’inscrire dans le dialogue, comme un défi à Valmont et à travers lui au monde entier.
Christine Letailleur donne une version alerte, profonde, un rien tapageuse et pourtant sensible du célèbre roman ; avec de grand acteurs et sur une grande scène, ce spectacle constitue une consécration méritée, après des adaptations plus confidentielles mais non moins édifiantes (La Vénus à la fourrure, La philosophie dans le boudoir). On se laisse charmer et enthousiasmer par cette juste, vivace et vivifiante représentation.
christophe giolito
Les liaisons dangereuses
Choderlos de Laclos
Mise en scène et adaptation
Christine Letailleur
Photo : © Brigitte Enguérand
Avec : Dominique Blanc, Vincent Pérez, Fanny Blondeau, Stéphanie Cosserat, Julie Duchaussoy, Manuel Garcie‑Kilian, Guy Prévost, Karen Rencurel, Richard Sammut, Véronique Willemaers.
Adaptation et mise en scène Christine Letailleur ; scénographie Emmanuel Clolus, Christine Letailleur ; lumière : Philippe Berthomé, en collaboration avec Stéphane Colin ; costumes Thibaut Welchlin ; son Manu Léonard ; assistante à la mise en scène : Stéphanie Cosserat. Décor réalisé par les ateliers du TNS
Au théâtre de la Ville, 2, place du Châtelet, 75004 Paris, 01 42 74 22 77
http://theatredelaville.com du 2 au 18 mars 2016. Durée : 2 h 45
Production déléguée : T.N.B. (Rennes) Coproduction : Fabrik Théâtre / Cie Christine-Letailleur ; Théâtre de la Ville (Paris) ; Théâtre national de Strasbourg ; Prospero (T.N.B. Rennes, Théâtre de Liège, Emilia Romagna Teatro Fondazione, Schaubühne am Lehniner Platz, Göteborgs Stadsteatern, Théâtre national de Croatie / Word Theatre Festival Zagreb, Festival d’Athènes et d’Épidaure). Christine Letailleur est artiste associée au Théâtre National de Bretagne.
Théâtre national de Bretagne, Rennes, du 3 septembre au 14 novembre 2015 ; Quartz, Brest, du 18 au 20 novembre 2015 ; La coursive, La Rochelle, du 1er au 3 décembre 2015 ; Le parvis, Tarbes, les 14 et 15 décembre 2015 ; Théâtre de Liège, du 20 au 27 décembre 2015 ; Théâtre National de Strasbourg, du 6 au 16 janvier 2016 ; Scène Nationale de Sète et du bassin de Thau, du 20 au 22 janvier 2016 ; Les quinconces, Le Mans, du 27 au 29 janvier 2016 ; théâtre de Saint-Quentin en Yvelines, du 11 au 13 février 2016 ; L’apostrophe, Cergy-Pontoise, du 17 au 19 février 2016 ; Emilia Romagna Teatro Fondazione, Modène, 24 et 25 février 2016.
Le texte de l’adaptation est paru aux Editions les Solitaires intempestifs, 2015, 182p, 13€.