“ Y’a-t-il une vie après le steak ? ”
Le cinéma (et le jeu vidéo) sont solubles dans la philosophie. Frédéric Grolleau en témoigne superbement. A l’origine de son livre-masse, il existe une préoccupation pédagogique. Le corpus est le fruit de 10 ans d’analyses en classe de films qui ont marqué l’histoire du 7ème art afin d’aborder les grands problèmes philosophiques (connaissance, morale, esthétique) pour des classes propédeutiques à l’aide des penseurs majeurs de l’occident.
En plus de 1100 pages, environ 150 films sont revisités dans un vocabulaire dont on ne saluera jamais assez la parfaite clarté. Grolleau y évite toute pédanterie : c’est la preuve de ses qualités autant pédagogiques que littéraires. Suivant l’adage “ce qui se pense bien s’énonce clairement”, il se sert des vivants piliers de la philosophie (Epicure, Platon, Aristote, Hobbes Machiavel, Saint Augustin, Descartes, Hobbes, Rousseau, Kant, Hegel, Marx, Schopenhauer, Nietzsche, Bergson, Levinas) pour revisiter ceux du cinéma. Le film renvoie donc à la philosophie et la philosophie au cinéma.
La prouesse d’un tel logos tient à sa capacité à tirer des films les plus populaires et basiques (Rambo, Forrest Gump, Blade Runner par exemple) des “leçons” philosophiques et cinématographiques. Si un film tel qu’ Apocalypse Now se prête à de telles analyses, il n’en va pas a priori de même avec s. Armé d’une connaissance des œuvres philosophiques et cinématographiques, Grolleau donne par exemple à La Mouche de Cronenberg ouà La Rose Pourpre du Caire de Woody Allen ou Wonderful Days de Kim Moon-Saeng des visions pertinentes et impertinentes.
Mais ce ne sont là que quelques exemples d’un livre passionnant de bout en bout et qui fera référence autant pour les amateurs du septième art que pour les maîtres en philosophie. Preuve, pour reprendre un des sous-titres du livre, qu’il existe bien “une vie après le steak” (Madagascar), de l’image comme de l’écrit — quelle que soit sa cuisson.
Il ne pourra même pas être reproché à l’auteur des lacunes puisqu’il ne prétend pas à une histoire du cinéma. D’autant que son livre fait mieux. Sa réflexion reste une mine de richesses intellectuelles qui permettent de donner une “plus-value” à l’esthétique “filmique”. Quant au cinéma, il devient le théâtre original de la philosophie. F. Grolleau prouve comment mélos, pièces montées romantiques, films d’actions peuvent nourrir la pensée. Après une telle lecture, on ne verra plus de tels films de la même façon.
Sous les couches sucrées, l’essayiste fait surgir l’acide de la pensée. Les sémiologues du cinéma n’ont qu’à bien se tenir. Un duo “amoureux” se développe entre l’image et la pensée par la grâce d’un auteur qui ne fait ni de la présence de la philosophie du fortuit, ni du cinéma un exemple “plaqué”. L’un ne prend pas le pas sur l’autre. L’hymen est plus qu’heureux et donne ainsi une énergie nouvelle aux forces vives de l’esprit.
Lire un extrait (Edge of Tomorrow) ici
jean-paul gavard-perret
Frédéric Grolleau, Philosofilms — La philosophie à travers le cinéma, Editions Bréal, Levallois-Perret, 26 fév. 2016, 1110 p. — 29,90€.
Près de la Belle bleue Frédéric Grolleau retrouve un sacré feu ! Il m’offre mon premier bal de philosophie avec le film . JPGP en révélateur de ciné et passeur d’un auteur majeur donne un duo gagnant au lecteur .