L’ “érotisme” qui émane des photographies de Monika Macdonald, plutôt que de susciter le fantasme, provoque une vision de l’intériorité. Surgit ce qui demeure généralement muet ou caché. L’individu s’y retrouve en absence de situations ou de repères établis. Nul ne peut dire si la relation à l’autre comme la solitude est acceptée ou subie.
Les êtres naviguent à vue dans la recherche de communautés plus ou moins « inavouables » selon la formule de Blanchot. Des solitaires cherchent leur place, leur rôle, leur identité. Par l’appréhension d’un « négligé » d’existence, l’artiste suédoise permet de donner vue à leurs secrets intimes. Mais ils sont juste suggérés. Reste que l’errance ou la friche existentielle paraît inépuisable : l’image l’évoque en sa caresse pudique et son souffle impudique.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le travail.
Que sont devenus vos rêves d’enfants ?
J’ai une grande imagination donc je vis dans mon monde merveilleux. C’est pourquoi je n’ai pas besoin de rêver — hier comme aujourd’hui.
A quoi avez-vous renoncé ?
A l’idée de devenir médecin, actrice ou chanteuse.
D’où venez-vous ?
D’une petit village de Suède appelé Gamleby.
Quelle est la première image dont vous vous souvenez ?
Le “filmage” de mon père conduisant sa voiture la nuit sur de petites routes de notre région, avec uniquement la forêt autour de nous. Les yeux des animaux de la forêt réfléchis par la lumière des phares.
Et votre premier livre ?
“Les 101 Dalmatiens”.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Je ne suis pas très sûre de ce qu’il en est.
Pourquoi votre intérêt pour la photographie de femmes ?
Je ne suis pas intéressée par la photographie des femmes. Je suis intéressée par la photographie.
Où travaillez-vous et comment ?
Je partage un atelier avec Anders Petersen et Stefan Bladh, deux photographes suédois, à Stockholm. Mon bureau est dans un bel endroit avec eux qui m’entourent. C’est un lieu qui m’inspire. J’utilise principalement un appareil digital. Je planifie mes histories préalablement. Avant, je vais dans la maison de quelqu’un pour prendre des photos. Quand je travaille, j’essaye d’impliquer ceux que je photographie dans mes objectifs pour être près d’eux. J’aime l’intimité. Autrement, je n’arrive pas à créer la narration que je désire. Je dois me montrer de manière très ouverte avec ceux que je photographie et ne pas utiliser l’appareil pour les “capturer”.
A qui n’avez vous jamais osé écrire ?
A Karl Ove Knausgård.
Quelle musique écoutez-vous ?
Des chansons d’amours malheureuses. Chantés surtout par des hommes.
Quel livre aimez-vous relire ?
Je n’ai jamais lu un roman deux fois mais je reviens fréquemment sur des phrases de livres que j’ai recopiées dans un carnet. Mais je peux oublier un livre et rester vide lorsque j’arrive à la fin de cet ouvrage parce que, paradoxalement, je l’aime beaucoup. Par exemple Tout ce que j’aimais de Siri Hustvedt. Je pense qu’il était merveilleux lors de sa lecture.
Quand vous vous regardez dans votre miroir qui voyez-vous ?
Un visage qui peut changer très vite. Mon visage est franc et j’ai du mal à cacher mes sentiments. Mes traits les montrent.
Quel lieu à valeur de mythe pour vous ?
Arles.
De quels artistes vous sentez-vous la plus proche ?
J’ai beaucoup d’amis proches. Tous sont artistes mais je me sens proche d’eux parce qu’ils sont mes amis et non des artistes.
Quels films vous font pleurer ?
Les documentaires qui montrent la souffrance des enfants.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Du champagne et un baiser.
Que pensez-vous de la phrase de Lacan « L’amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n ‘en veut pas » ?
L’esclavage de l’amour.
Et celle de W. Allen « La réponse est oui mais qu’elle était la question » ?
Nous allons recommencer n’est-ce pas ?
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Il y a toujours des manques de questions même si elles ont été posées…
Entretien et présentation : jean-paul gavard-perret, lelitteraire.com, le 8 mars 2016.
Traduction de l’anglais : lara gavard-perret.