Gérard Garouste, La Méguila d’Esther

Gérard Garouste et Esther

Recon­nue avec retard par les sages du judaïsme — soit parce qu’elle rele­vait davan­tage du genre roma­nesque que du genre his­to­rique, soit pour ses relents hété­ro­doxes, La Méguila d’Esther fait néan­moins par­tie du patri­moine his­to­rique du peuple juif. L’œuvre est sin­gu­lière sous son appa­rence pro­fane : elle fait excep­tion dans la concep­tion du lien entre Dieu et les hommes. Les prières n’existent pas dans ce livre mais uni­que­ment des mani­fes­ta­tions qui lui sont asso­ciées : « Mar­do­chée déchira ses vête­ments, se cou­vrit d’une cilice et de cendres ». 
Tout au long du récit s’affiche une confiance déter­mi­née dans le salut du peuple juif enra­ciné dans les textes plus anciens. La Pro­vi­dence est dis­til­lée : c’est elle qui retient Garouste. Com­pre­nant que la situa­tion du secret est de l’ordre de « l’exil de la Face », le peintre cherche à exhu­mer le caché, à accor­der une rédemp­tion à la trace enfouie dans les ténèbres.

Aux ques­tions de théo­ries esthé­tiques, Garouste pré­fère les œuvres capables de faire remon­ter la pente exis­ten­tielle. Le livre d’Esther lui indique une, voire La direc­tion. Il devient l’écho à son refus de demeu­rer rivé aux actes insoup­çon­nables qui empê­chèrent, non celui qui les a com­mis, mais son des­cen­dant à vivre. Le fils — « enjuivé » selon son père — décou­vrit par sa propre enquête les crimes de ce der­nier comme il décou­vrit le caviar­dage de l’existence d’une arrière-grand-mère aux mœurs trop libres par une famille bour­geoise aux mœurs si hono­rables… Voilà pour les bas-fonds.
Pour les hauts-fonds, le rou­leau d’Esther crée une assomp­tion. Le repre­nant à sa main, Garouste donne — au sein d’une vision colo­rée ou le bleu et le doré dominent — sa propre vision du secret, du caché. C’est d’ailleurs l’objet même de l’art : rendre visible à la fois l’inconnu ou plus modes­te­ment se confron­ter à « son sus­pens ». Pour Garouste en effet, le divin n’est pas signi­fié dans le rou­leau d’Esther mais c’est ce qui en fait le prix. L’artiste en devient l’enlumineur. Le texte n’a jamais été aussi actuel : joux­tant le drame et le bur­lesque, il reflète la condi­tion humaine.

jean-paul gavard-perret

Gérard Garouste, La Méguila d’Esther, Edi­tions Her­mann, Paris, 2016, 128 p. — 30,00 €.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Poésie

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