Jacques Nolot et l’autobiographie
Jacques Nolot est né à Marciac où son père (officiel) était coiffeur. Le futur réalisateur travaille mal à l’école, la quitte et devient vendeur à l’unique épicerie du village. Accusé d’avoir pioché dans la caisse, il part pour Lourdes non pour croire à un miracle mais pour continuer à travailler dans une autre épicerie avant de rejoindre un « Felix Potin » à Paris. Parallèlement, il entreprend des cours (« Cela m’a donné une «fausseté» de culture » écrira le créateur), il comprend qu’il n’est pas fait pour le théâtre de boulevard. Une femme rencontré chez Félix Potin l’en sort, lui fait son éducation et l’entretient.
Il obtient son premier vrai rôle, dans La Maison brûlée (Strindberg). « J’y étais très mauvais » rappelle Nolot et il est sauvé par les évènements de 68 qui donnent un coup d’arrêt aux représentations. Lié à Barthes, il fait partie du groupe qui occupe l’Odéon. Quelques années plus tard, il reprend le rôle de « Monsieur Martin » dans la Cantatrice chauve d’Ionesco au théâtre de la Huchette. Il enchaîne de nombreuses tournées théâtrales avant de retourner à une vie désespérée et clownesque. Une dépression le pousse à écrire La Matiouette que Téchiné tourne en quelques jours.
L’étape est importante pour Nolot : “J’ai commencé à vivre à 35 ans, grâce à La Matiouette, qui a changé le regard des autres sur moi, donc qui m’a donné confiance. Pendant trente-cinq ans, on m’a aimé, on m’a attendu, je n’ai jamais rien acheté. Pourtant, être entretenu, ce n’était pas comme avoir des parents, c’était bel et bien un travail, il fallait donner de soi, il y avait de la douleur. Mais il y avait aussi le luxe. C’était une prison » écrit-il à ce propos. A partir de ce moment-là, il devient peu à peu un écrivain et a l’impression d’effacer ses tablettes pour repartir à zéro.
Suivent J’embrasse pas puis L’Arrière-Pays. Le film obtiendra un César (de la meilleure première œuvre). Le réalisateur y racontera l’épisode de l’agonie à travers un personnage : Jacques Pruez, acteur parisien qui découvre dans ce retour aux sources les ragots du village et apprend son père ne l’est pas. Et il repart aussitôt. L’auteur joue ensuite dans plusieurs films dont Sous le sable d’Ozon. Il écrit ensuite La Chatte à deux têtes, à la suite de la mort de son fils et en tant que thérapie, et réalise son chef-d’œuvre : Avant que j’oublie (Prix Louis Delluc 2007). Dans ce film, le héros Pierre après la mort de son ami « un papa une maman une banque », se confronte à lui-même, à la difficulté d’écrire, à la maladie, à la solitude. Seul, il va au bout de ses fantasmes.
Nolot n’a de cesse d’aller plus loin dans l’intime. L’auteur s’y assume tel qu’il est : homosexuel et occasionnellement prostitué et gigolo. Mais en dépit du substrat biographique, l’écriture et la réalisation lui permettent de vivre un ailleurs. Celui qui, enfant, était mal car peut-être trop aimé reste un homme déchiré qui s’est fabriqué un masque pour exister.
jean-paul gavard-perret
Jacques Nolot, L’intégrale, Capricci, Paris, 2016.