Le titre de cet essai ne correspond pas à son contenu
Le titre de cet essai ne correspond pas à son contenu : au lieu d’examiner, comme dans une dissertation, les bons et les mauvais côtés du phénomène qui l’intéresse, l’auteur se livre à une défense enflammée de la bisexualité, en démontant au passage les idées reçues selon lesquelles les bi seraient des homos honteux ou des obsédés sexuels monstrueusement voraces. On sent que le sujet lui tient à cœur, aussi bien dans les passages assimilables au pamphlet, qu’au fil de ses savantes explications sur les cultures où la bisexualité fut ou reste bien admise (ses exemples vont de la Grèce antique aux peuples subsistant encore de nos jours en Nouvelle-Guinée).
Mengel fait montre d’érudition aussi en critiquant les théories en vogue, ce qui nous permet de remarquer qu’il a lu nombre d’études en trois langues, relevant des gender studies ou de la psychologie “scientifique” — on en arrive à le plaindre à chaque nouveau titre cité, car manifestement, il ne s’est pas contenté de parcourir la conclusion de ces ouvrages indigestes, comme le font couramment les universitaires.
À la différence de leurs auteurs, l’essayiste est soucieux de s’écarter du style académique, il use donc fréquemment de termes censurables, de tournures ironiques, voire d’apostrophes moqueuses au lecteur, avec plus ou moins de bonheur — si la démarche nous réjouit, son écriture reste, dans l’ensemble, trop lourde au lieu d’être bien enlevée.
Et il s’avère, à notre déception, que sa thèse n’a rien d’inédit : à son sens, les bisexuels sont simplement portés à tomber amoureux sans accorder d’importance au sexe de l’individu qui les attire. C’est probablement vrai, mais qu’avait-on besoin d’une centaine de pages pour arriver à l’affirmer, quand tout le monde l’a déjà entendu nombre de fois, à travers les médias, de la bouche de tels artistes portés aux confessions publiques ?
A part cette thèse banale, l’auteur défend une idée qui lui semble, curieusement, très importante : mieux vaudrait parler de pansexuels au lieu de bisexuels.
On peine à comprendre ce qu’il pourrait se passer de décisif, qui changerait leur image sociale, voire la face du monde, si chacun adoptait ce néologisme. On craint que Mengel se soit laissé contaminer, au fil de ses lectures, par la tournure d’esprit académique selon laquelle un terme qu’on finit par imposer aux confrères vaut toutes les victoires d’Alexandre (grand homme dont les mœurs sont évoquées dans l’essai).
S’agissant d’un auteur encore jeune (né en 1975), qui ne cessera sans doute pas de sitôt d’écrire sur le sujet, on aimerait qu’il nous donne la prochaine fois ce qu’on peut attendre d’un traité valable : plus de substance que d’attaques contre les tristes sires dont l’avis n’intéresse que leur propre milieu. Si Karl Mengel nous offrait mieux qu’un vague aperçu du point de vue “pansexuel”, en analysant des expériences concrètes, au lieu de perdre son temps à démonter des thèses oiseuses, il nous apprendrait vraiment quelque chose, ce dont on le féliciterait volontiers.
En attendant, on reste sur le regrettable constat de n’avoir aucun livre à recommander sur la bisexualité.
agathe de lastyns
Karl Mengel, Pour et contre la bisexualité, coll. “L’attrape-corps”, La Musardine, août 2009, 118 p. — 12,00 € |
||