Face à Barack Hussein Obama, statufié avant même sa victoire de 2007, George W. Bush continue de faire figure de démon. Et pas seulement pour l’invasion de l’Irak en 2003 et pour ses dramatiques conséquences que nous subissons aujourd’hui. Ceux qui prendront la peine de lire, sans a priori et sans haine, le livre qu’il consacre non pas à son action politique mais à son père découvriront une facette de sa personnalité peu connue : celle d’un fils aimant et admiratif de son père.
Les plus jeunes ne savent pas qu’un autre George Bush a été président, il y a bien longtemps, entre 1988 et 1992. Certes, ce Bush-là ne subit pas les foudres que journalistes et à présent historiens jettent sur Reagan. Mais il ne put faire qu’un mandat car il a été battu par un démocrate (ouf !) correspondant parfaitement aux canons médiatiques : Bill Clinton. Pourtant, cet unique mandat vit la fin de la Guerre froide et la première guerre du golfe. Une période donc capitale.
Cet ouvrage biographique sur George H. W. Bush n’est évidemment pas une analyse scientifique. C’est un témoignage subjectif, un portrait tracé par son fils. Il n’en conserve pas moins un grand intérêt pour l’historien sérieux. La vie de George H. W. Bush ressemble à celle de beaucoup d’Américains, marquée par des valeurs morales solides et un grand sens de la famille, par des études de haut niveau, par la réussite professionnelle et l’élévation sociale, par la pratique du sport. Mais elle n’est pas une vie comme les autres.
Il y eut la guerre dans le Pacifique bien sûr, mais aussi le refus de suivre la voie toute tracée vers le monde de la finance et Wall Street pour l’industrie pétrolière au Texas ; puis la politique au sein du parti républicain, d’abord à un petit niveau puis vers les hauteurs, les succès et les défaites électorales. Un tournant majeur : le poste diplomatique à Pékin, avant la direction de la CIA et enfin la vice-présidence de Reagan.
George W. prend un soin particulier à décrire son père comme un homme droit, proche des siens, plein d’amour pour ses enfants, discret et habile, prudent et sage, sans haine pour autrui, fidèle à Reagan jusqu’au bout et devenu l’ami de celui qui l’a battu en 1992. Il y a même quelque chose d’émouvant de voir un ancien président analyser la carrière de son père en l’appelant très souvent « papa ». Le livre apporte aussi beaucoup d’informations sur la vie politique américaine, sur le système des primaires et sur la force de l’hostilité des journalistes à l’encontre des républicains en général, et des Bush en particulier. Il permet de vivre de l’intérieur plusieurs campagnes électorales et la nécessité de disposer d’une machine puissante avec des hommes clés (dont le principal a été James Baker pour George H. W. Bush). Les erreurs de la campagne de 1992, conduisant à la défaite, sont d’ailleurs bien expliquées.
Bush le Jeune parle aussi souvent de lui, toujours pour expliquer la manière dont la carrière de son père l’a inspirée, comment il a analysé ses erreurs avant d’en commettre lui-même. Il ne cache pas ses penchants de jeunesse pour l’alcool et la façon dont ses parents réagirent. La guerre en Irak revient à plusieurs reprises, sans que l’auteur n’exprime le moindre regret. En tout cas, on retrouve souvent le Bush fils non dénué d’humour et de distance vis-à-vis de lui-même.
La dynastie Kennedy continue de nos jours à être portée aux nues malgré ses innombrables vices. Celle des Bush fascine moins, sans doute parce qu’elle est plus vertueuse. Il est en tout cas certain que George H. W. Bush apparaît comme un bien meilleur père, à tous points de vue, que le tyrannique patriarche Joe Kennedy. C’est un trait de caractère qui en dit long.
frederic le moal
George W. Bush, Portrait de mon père George H. W. Bush, Odile Jacob, janvier 2016, 316 p. — 24,90 €