L’avenir est dans les œufs : entretien avec Paul Poule (Kenny Ozier-Lafontaine)

Paul Poule a « un bra­sier dans l’estomac ». Se nour­ris­sant « de brin­dilles, il arrive que ses flammes s’attisent pour s’embraser comme les feux de la Saint Jean ». Mais aux saints, Paul Poule pré­fèrent les seins et ceux qui les palpent. Tel un nou­vel Artaud, il crache une fiente vol­ca­nique par tous les trous de sa peau. La mala­die est incu­rable. Sa mère lui dit de ne pas quit­ter le lit de fer ( ceux qui étaient en bois sont consu­més). Dans le jar­din de la sus­dite, il se livre à des pas­sions cou­pables et cherche des appuis chez Arra­bal qui lui fait livrer des camions de bois secs et des plai­san­te­ries de der­rière les fagots.
La parade est per­ma­nente chez le Mar­ti­ni­quais spé­cia­liste des mises en tropes. Il y a quelque chose qui cloche chez lui mais qu’importe si Brecht et Sophocle ont démon­tré par avance son incom­pé­tence notoire. Il reste prêt dans son délire à suivre tous les épi­sodes des « Sopra­nos ». C’est, pour lui, retrou­ver une chair de poule pour mieux man­ger les vers à douze pieds comme ceux à mille pattes. Cela plaît beau­coup aux quelques cen­taines de lec­teurs qui consultent son site. Il peut y être ques­tion de la taille du pénis. Mais qu’importe si celui n’est pas droit dans ses bottes et les femmes sans blague. Poule fran­chit les rubis cons à la recherche d’ornements de rechange tan­dis que de guerre lasse sa mère passe ses jour­nées à rumi­ner, assise sur son tabou­ret bran­lant sous un palé­tu­vier rose.

 Entretien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Plus le chant du coq, plus la gui­tare de mon père, plus l’odeur du café, plus rien, je dors.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Des lieux (avec ou sans portes, avec ou sans clefs)

A quoi avez-vous renoncé ?
Aux montres. Tant mieux.

D’où venez-vous ?
Je suis né pour la pre­mière fois à Fort-de-France, et puis quelques autres fois depuis la première.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Des doigts, des orteils. Des yeux, une mau­vaise den­ti­tion. Une cer­taine fas­ci­na­tion pour la vio­lence et la douceur.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Écou­ter de vieux albums de Rap.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes et poètes ?
Ce sont sou­vent des artistes et des poètes.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
La photo de Cypa­ris, dos brûlé, exhi­bant ses marques. Enfermé pour une rixe d’ivrogne où il avait blessé un homme au cou­teau, il sera l’unique sur­vi­vant de l’éruption de 1902 à Saint-Pierre en Mar­ti­nique. On dira de lui, qu’il est le seul objet vivant qui ait sur­vécu dans la cité silen­cieuse de la mort. J’aime beau­coup l’idée qu’un dieu ait choi­sit de le sau­ver, lui plu­tôt que tous les autres.

Et votre pre­mière lec­ture ?
Toute,  toute pre­mière, Tin­tin au Tibet.

Pour­quoi votre atti­rance vers le “non­sen­sique” ?
Plus que le non sens, ce qui me fas­cine c’est cette brume qui enve­loppe cer­tains lieux, presque tous, l’ouate ou le gou­dron qui enrobe, nous tenant à l’écart, tou­jours. Les deux cita­tions qui suivent, résument assez bien mon rap­port à l’inconnu :
« Nous ne sommes pas des sol­dats de la confu­sion, nous ne sommes pas des fana­tiques du mys­tère, nous disons l’incertitude. » Arra­bal.
« Les poten­tia­li­tés de l’homme sont si grandes et si mys­té­rieuses que les guer­riers, plu­tôt que d’y son­ger, ont choisi de les explo­rer, sans espoir de jamais les com­prendre » Car­los Castaneda

Quelles musiques écoutez-vous ?
Rap, Chan­son fran­çaise, Blues, Reg­gae, Jazz, Soul, ( Ferré, Renaud, Bashung, la Fonky Family, Ntm, Iam, Luna­tic, Assas­sin, Oxmo Puc­cino, Max Nabis, Furax, Gang­starr, Tupac, B.I.G, Nas, Pat Metheny, Georges Ben­son, Maceo Par­ker, Chet Atkins, Mar­cel Dadi, Steel Pulse, Kali, The Gla­dia­tors, Lucky Dube, The Cure, Wanda Jack­son, The Band, The Byrds , Dylan, Leo­nard Cohen, Lou Reed, Ste­vie Ray Vau­ghan, Les Roling Stones, Louis Arm­strong et Ella Fizt­ge­rald, Angelo Bada­la­menti, Lit­tle Mil­ton, Laura Lynn, Trio Rosen­berg, Eddy Louiss, Andy Narell, Richie Havens, Fauré, Robert Cray, The supremes, Jhonny Ace, Candi Sta­ton, Sam Cooke, The temp­ta­tions, Connie Ste­vens, Etta james, The ani­mals, Pink Floyd, Her­man Her­mits, Keny Arkana, … )

Quel est le livre que vous aimez relire ?
L’ombilic des Limbes,
Artaud ; Le voyage à Ixt­lan, Cas­ta­neda ; La nuit remue, Michaux.

Quel film vous fait pleu­rer ?
Je pleure beau­coup …
« Signe de vie », Her­zog ( et beau­coup d’autres du même ), « La pas­sion de Jeanne d’arc » de Dreyer, « The last movie », Denis hop­per, « Wal­ker d’Alex Cox, « Bad lt » et « Funé­railles » de Fer­rara, « le Saty­ri­con » de Fel­lini, « Le châ­teau dans le ciel » de Miya­zaki, « Scar­face » de De Palma, « Le rite » de Berg­man, « Au hasard Bal­tha­zar » de Bres­son, « Santa Sangre » de Jodo­rowsky, « Dog­ville » de Lars Von Triers, « Dream » de Kuro­sawa, « Pat Garett et Billy the Kid » de Peckin­pah, « Emak Bakia » de Man Ray, « Lettre d’un cinéaste à sa fille » de Pau­wells, « Sea­sons » d’Ivan Iva­nov Vano, « La Noche Oscura » de Car­los Saura, « Nick’s Movie » de Wen­ders, « Powa­q­qatsi » de God­frey Reg­gio, « Under the vol­cano » de John Huston.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Tout dépend de l’heure, du temps, de l’éclairage, du bon vou­loir du miroir, de la buée sur le même miroir, de la gri­mace ou du sou­rire du type dans la glace. Par­fois, j’arrive à me voir.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Molly Ring­wald. Le Capi­taine Crochet.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Ma chambre (toutes, celles d’hier, de mon enfance, d’aujourd’hui )

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Mes amis.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Un ticket pour voya­ger dans l’espace. J’aurais dû être cosmonaute.

Que défendez-vous ?
Rien. Ou alors de toutes petites choses, mais pas les mêmes chaque jour, pas les mêmes trop long­temps, et sur­tout contra­dic­toires entre elles. Et puis une fois qu’elles sont bien là, bien pré­sentes, ancrées, les tra­hir ces choses, sur­tout ça. À mou­rir pour des idées, ou pour des causes on s’empêtre, on comble du vide, on s’offre l’impression d’exister … ( je crois ).
Il a dû m’arriver de défendre la soli­tude, hier.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Rien, je ne sais pas vrai­ment ce qu’il y dans mes poches, encore moins dans celles des autres. Je ne suis pas ban­quier, je compte mal. J’aime pas comp­ter (en géné­ral jusqu’à dix avec les doigts), j’aime mieux tout dépen­ser, vite, j’ai tou­jours peur qu’il soit déjà trop tard.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Je crois qu’il faut faire confiance, tou­jours (et puis tant pis si …)
« Il ne faut pas se hâter de juger les hommes, il faut leur faire confiance jusqu’à l’absurde, jusqu’à la lie. » ( Artaud )

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
À QUOI BON ?

Entre­tien et pré­sen­ta­tion réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 25 février 2016.

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