Il est donc question d’une conspiration littéraire : forts de leur passion pour le célèbre héros de bande dessinée, trois amateurs éclairés entreprennent de rendre justice à leur idole, en instituant une société secrète, mi-club littéraire, mi-commando punitif, de façon à mettre en œuvre une police des commentaires.
La prolifération des études sur Tintin engage en effet nos justiciers à conduire des opérations d’évaluation et de purification du milieu des tintinophiles patentés par leur(s) publications(s).
La trame séduit, le lecteur s’attache vite à des personnages brossés de façon impressionniste ; il s’attend à une intrigue fantasque et bondissante. Hélas. L’intérêt du livre s’arrête là. Suivent des chapitres qui se ressemblent, composés de dialogues pesants, voire pontifiants, sentant le rance des fiches de lecture, auxquels fait suite un verdict expéditif, sans jugement ni justification : acquittement ou mise à mort.
Dans ce dernier cas, les modalités d’exécution de la sentence sont relatées froidement, sans solliciter notre attention. A défaut de donner consistance à la société secrète qu’il imagine, l’auteur mêle à la narration des éléments biographiques sans intérêt ; la lecture de l’ensemble donne l’impression d’un fourre-tout sans teneur ni unité. Au moins, dans Monnaie de verre (Editions Nicolas Philippe, 2002), la dimension historique et l’intrigue amoureuse puis dans Le cri du sanglier (Denoël, 2004) l’humanisation d’un porcin, sa lutte pour la survie animaient le propos d’un exotisme porteur. Dans Après, Tintin…, on n’a affaire qu’à un bric-à-brac d’élucubrations dans lequel les amateurs reconnaîtront les thèmes favoris de l’auteur : Matrix, le brouillage entre le réel et l’imaginaire, l’exigence intellectuelle mêlée à la truculence du bien-vivre.
Le tout transpire la facticité éculée d’un postmodernisme de pacotille.
christophe giolito
Frédéric Grolleau, Après, Tintin… , BoD, 2009, 176 p. — 11,00 €.