Je tremble (Joël Pommerat)

Tout cela ne fait pas encore une pièce…

Des tableaux baroques défilent dans un décor de music-hall, avec une inten­tion iro­nique affi­chée. Un spec­tacle déli­bé­ré­ment post­mo­derne ; des tranches de vie accu­mu­lées, non néces­sai­re­ment reliées, jetées dans un décor d’apparat qui évoque le cirque, les dance-floor et le monde de la télé­vi­sion. Un pré­sen­ta­teur de paco­tille guide le spec­ta­teur à coup d’invectives dans une quête de soi, de l’inanité de soi.
Les tableaux à thème sont pré­sen­tés dans un désordre qui se veut certes savant, mais qui ne par­vient pas à empor­ter l’adhésion. Les scènes de genre, les dia­logues futiles, graves ou bur­lesques sont enchaî­nés sans qu’une inten­tion glo­bale par­vienne à mobi­li­ser l’attention. Au contraire, les scènes de cinéma pro­je­tées sur l’écran de fond de scène, celles qui sont jouées der­rière, appa­rais­sant comme flou­tées à tra­vers cette paroi semi-opaque, le dia­logue sub­til entre les moments de l’action pré­sen­tés sur le pla­teau, tout cela pro­duit un effet de brouillage, de sur­ex­po­si­tion qui rend l’ensemble peu intelligible.

Déco­rum désuet, texte par­fois sur­chargé, trame dis­con­ti­nue, mènent à des redon­dances qui laissent le spec­ta­teur sans rire et ne satis­font pas son inté­rêt théo­rique. Alors, que reste-t-il ? Un sens de la scène, une évi­dence des tableaux, une beauté des pré­sences, des prouesses de com­po­si­tion scé­nique. Des lumières, des poses, des flashes et des pos­tures. Tout cela ne fait pas encore une pièce. Joël Pom­me­rat, à qui l’on recon­naît la vertu de savoir per­cer la légè­reté de la pro­fonde acuité de son regard, comme il l’a encore démon­tré l’ année der­nière avec son Pinoc­chio donné à l’Odéon, s’est essayé à culti­ver la pro­fon­deur en l’habillant de légè­reté.
Cher­chez l’erreur.

Cette fresque post­mo­derne d’allure pata­phy­sique reste fina­le­ment un faux pas, que les acteurs servent pour­tant vaillam­ment, occu­pant avec cou­rage une soi­rée qu’on aurait pu aussi pas­ser à réflé­chir ou à rêver.


Je tremble

Écrit et mis en scène par Joël Pom­me­rat
Avec :
Saa­dia Ben­taïeb, Agnès Ber­thon, Hervé Blanc, Lio­nel Codino, Ruth Olai­zola, Jean-Claude Per­rin, Marie Piemontese

NB - Le texte est publié aux édi­tions Actes Sud-Papiers. 

chris­tophe giolito

 

   
 

Théâtre des Bouffes du Nord, du 23 sep­tembre au 1er novembre 2008.

 
     

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Filed under Pôle noir / Thriller, Théâtre

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