Stephen King, Revival

Fana­tisme reli­gieux et science ne font pas vrai­ment bon ménage 

Quand le révé­rend Charles Jacobs s’installe dans la petite ville d’Harlow dans le Maine au début des années soixante, son cha­risme et sa verve séduisent très vite les habi­tants de la com­mu­nauté. La famille Mor­ton est par­ti­cu­liè­re­ment enthou­siaste et le petit Jamie est lit­té­ra­le­ment fas­ciné par cet homme qui lui com­mu­nique sa pas­sion pour la “fée” élec­tri­cité. Pour­tant, un drame vien­dra tout bou­le­ver­ser et Jamie verra dis­pa­raître du jour au len­de­main Charles Jacobs.
Trente ans plus tard, Jamie écume les concerts un peu par­tout aux Etats Unis en tant que gui­ta­riste de rock raté, en proie aux démons de l’alcool et de la drogue. Devenu une loque humaine, son che­min recroise celui de Jacobs, qui se pro­duit dans de petites villes ou dans des foires iti­né­rantes en pré­ten­dant jouer les gué­ris­seurs grâce à l’électricité. Jamie, d’abord scep­tique, finit par céder à nou­veau à la fas­ci­na­tion qu’il avait pour cet homme, mais le “retour à la vie ” (Revi­val) que lui pro­met Jacobs pour­rait bien avoir de fâcheuses conséquences.

Un nou­veau roman de Ste­phen King est tou­jours un évé­ne­ment, mais alors que cer­tains crient au miracle pour son retour, j’ai plu­tôt, quant à moi,  envie de crier à l’imposture quand je me retrouve face à ses nou­veaux anti-héros Jamie et sur­tout face au révé­rend Jacobs. Au départ, tous les ingré­dients d’un bon King : une petite ville du Maine, une famille amé­ri­caine plus ou moins unie dans les années soixante, et que l’on sui­vra jusque dans les années 90, un anti-héros paumé, un pas­teur sombre prêt à envoû­ter ses fidèles en leur pro­met­tant la rédemp­tion et sur­tout des gué­ri­sons grâce à cer­tains secrets qu’il aurait per­cés… quelques touches fan­tas­tiques diluées ou plu­tôt engluées dans le quo­ti­dien ennuyeux des per­son­nages.
On a donc envie d’y croire dans les cent cin­quante pre­mières pages, mais le Revi­val ne fonc­tionne pas vrai­ment avec le lec­teur qui se laisse gagner par l’ennui peu à peu… un abus de fla­sh­backs nuit à la flui­dité de l’intrigue, peu d’empathie naît réel­le­ment pour les per­son­nages, l’action tourne tou­jours autant des soi-disant miracles réa­li­sés par Jacobs, et le dénoue­ment que cer­tains qua­li­fient d’exceptionnel, est rela­ti­ve­ment pré­vi­sible.
Certes, on accroche un peu pour les sou­ve­nirs évo­qués par Jamie et la pré­ci­sion des détails four­nis pour des époques révo­lues (la liberté des années soixante et soixante-dix, la créa­ti­vité des années quatre-vingt), mais tout est trop pré­vi­sible, et l’on ne fris­sonne pas comme dans la suite récente et réus­sie du clas­sique
Shi­ning, Doc­teur Sleep. L’intrigue ne vaut pas non plus celle de son pré­cèdent roman Mis­ter Mer­cedes, qui est un petit chef-d’œuvre de réa­lisme et de noirceur.

Ici, King dénonce les abus des pré­di­ca­teurs amé­ri­cains, qui sont tou­jours prompts à faire leur grand show, et ne tiennent leurs pro­messes que dans la cré­du­lité. Reli­gion et science se côtoient comme elles peuvent, et la foi est mise à mal, mais sur­tout la foi que l’on a dans King et ses talents de nar­ra­teur. Il reste cepen­dant une réflexion inté­res­sante sur le fana­tisme, les addic­tions, et notre vision de l’au-delà… mais ces expé­ri­men­ta­tions peu cré­dibles ne rendent pas la lec­ture très élec­tri­sante.
Rien qui vous fera cette fois dres­ser les che­veux sur la tête. Si “revi­val” il doit y avoir, qu’on le trouve alors rapi­de­ment dans les pro­chains écrits du “maître King” !

lire un extrait

franck bous­sard

Ste­phen King, Revi­val, Albin  Michel, 2015, 438 p. — 23.50 €.

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