Osez, osez Anne-Christine” (Roda) : entretien avec l’artiste

Par ses por­traits, Anne-Christine Roda donne du monde et des êtres une image com­plexe. Il y a la beauté sans fard qui ignore au besoin les stan­dards de la repré­sen­ta­tion « média­tique ». La vision de la nudité crée une archéo­lo­gie poé­tique. Elle n’a rien d’insignifiante. Sur­git de manière frac­tale une har­mo­nie. Elle évoque à la fois la han­tise et la puis­sance des êtres.
La pho­to­graphe com­pose un « cairn » et fait de nous non des voyeurs mais des cor­res­pon­dants clan­des­tins. Le corps nu échappe au simple éro­tisme. L’artiste lui donne une étrange lumière : la clarté pointe des ténèbres. Sur­gissent des pliures d’ombres, la baie d’un pubis recoud le regard. Sur une poi­trine, la lumière s’étoffe, caresse le cou, les bras. Res­tent des pans au grains d’orge et aux sucres voluptueux.

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Ma fille Adèle que j’ accom­pagne à l’école.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Des rêves d’adulte.

A quoi avez-vous renoncé ?
A la ciga­rette, il y a 10 ans.

D’où venez-vous ?
De la res­tau­ra­tion de tableaux, j’y ai appris la rigueur et la patience, oser aban­don­ner ce métier pour me consa­crer à la pein­ture est arrivé tard.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Un ter­rible manque de confiance en moi.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Un verre de vin rouge et quelques tranches de sau­cis­son avec des amis.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
Mon ate­lier, tou­jours propre et rangé …

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
« La jeune mar­tyre » de Paul Dela­roche vue enfant lors d’une visite au Louvre avec ma maman.

Et votre pre­mière lec­ture ?
La série « Fan­tô­mette » de la Biblio­thèque Rose.

Pour­quoi votre atti­rance pour le por­trait d’une nudité impli­cite ou expli­cite ?
Ce que je cherche c’est la vérité de mes modèles… de manière impli­cite ou explicite…

Quelles musiques écoutez-vous ?
Quand je tra­vaille je pré­fère la radio, les émis­sions de France inter rythment ma jour­née, je sais où j’en suis. Le soir, quand l’heure n’a plus d’importance j’écoute sou­vent les mêmes disques en boucle, Gershwin,Lisa Ekdhall, Camille, Ibra­him Maalouf …

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je pour­rais tous les relire je crois, je n’ai curieu­se­ment aucune mémoire pour mes lectures.

Quel film vous fait pleu­rer ?
J’ai été bou­le­ver­sée par « Brea­king the waves » ou « Melan­cho­lia » de Lars van Trier.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Mes anges gar­diens der­rière moi.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Je n’ai envie d’ écrire à per­sonne, ce n’est pas le médium que j’utilise pour dire les choses.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
L’Italie.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Aucun dont je me sente vrai­ment proche, mais beau­coup dont j’admire le tra­vail, notam­ment des photographes.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Un nou­vel appa­reil photo ou un voyage.

Que défendez-vous ?
C’est une révolte très banale je l’espère, mais la liberté des femmes, qui ne cesse de recu­ler, me terrifie.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Ça ne m’inspire pas l’amour…

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Ça m’inspire l’amour…

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Qu’est ce qui vous fait cou­cher le soir ?

Entre­tien et pré­sen­ta­tion réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 7 février 2016.

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