Tout l’amour du monde : Jean-Baptiste Huynh
Dans le noir et blanc, la finesse joue sur une infinité de nuances. Se découvrent dans la première exposition de Huynh chez Lelong deux aspects fondamentaux de son œuvre : les corps féminin nus (en totalité ou en fragments) et le monde végétal. Celui qui est qualifié de « photographe d’obédience orientaliste » mérite ce titre. Non seulement à cause de ses nombreux voyages au Japon, au Vietnam et au Cambodge mais parce que, fidèle à l’art de ces pays, il crée un univers éthéré où, par exemple dans ses portraits, les regards semblent perdus, égarés, méditatifs, absents, inquisiteurs, attachants sans misérabilisme ou condescendance.
Et si Huynh préfère les sels de chlorobromure d’argent aux technologies numériques, c’est pour saisir au plus près la « choséïté » du végétal comme « la visagéité » du corps (Beckett). La restitution possède grâce à la technique une vérité troublnte et le regard trouve une puissance rarement égalée dans la quête de la beauté au sein de courbes proches de l’abstraction.
Photographe de l’atténuation, Huynh n’en est pas moins un photographe de l’incision. Son langage iconographique témoigne d’un extrême souci de la forme et il constitue un accès à la vie comme rythme et respiration dans la recherche fiévreuse de la réalité des êtres et des choses.
Poursuivant son aventure de la connaissance de l’être et du monde, le photographe fait remonter des images englouties arrimées à l’inconscient et que seule, généralement, l’embarcation de la nuit berce de sa cargaison chimérique. Nous sommes au seuil de l’insomnie. Nous mesurons le lointain qui nous sépare de ce quai où la maison de l’être pourrait trouver son assise.
jean-paul gavard-perret
Jean-Baptiste Huynh,
– Nus & Végétaux, Galerie Lelong, Paris, 31 mars — 12 mai 2016,
- NATURE, textes d’Henry-Claude Cousseau, Emanuel Ungaro & Antonio Damasio, Editions du Cil & Editions du Regard, 2016 — 65, 00 €.